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Bienvenue dans le royaume de Mär Heaven ! Ce royaume paradisiaque que menace de détruire le diabolique Echiquier...Combattant, pion ou voleur ?
 
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 La fin du voyage

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Montjoie Saint-Denis
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Montjoie Saint-Denis


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MessageSujet: La fin du voyage   La fin du voyage Icon_minitimeSam 7 Avr 2007 - 18:08

Le crépuscule tombait sur Mär Heaven.

Parmi l'herbe, les fleurs se refermaient pour se protéger du froid. Sous terre, les fourmis, lentement, ralentissaient leurs activités fébriles jusqu'à s'immobiliser, vaincues par l'apathie. Toutes ne passeraient pas la nuit. Dans les forêts, les oiseaux du jour rejoignaient la quiétude de leurs nids, tandis que leurs confrères nocturnes, les hiboux et les chouettes, prenaient leur essor, ramant silencieusement l'air sombre de leurs ailes lourdes.

Et tandis que la vie, rampant contre le sol, terminait d'accomplir ses tâches multiples destinées à voir demain se lever, le Soleil, là-haut, tout doucement, mourait dans l'indifférence la plus totale. Les flots sombres du chaos primal avaient enfin gagné. La bataille entre ombre et lumière avait pris fin.

L'astre solaire déchu, au cours de sa chute éternelle vers l'Occident, laissait échapper des filets de brume rouge sang parsemée de larmes d’étoiles, qui teintait l'air de toutes les nuances de orange. L'étoile agonisante renonça enfin, et expira dans un grand éclat de lumière verte, d'un vert si pur que seul le Paradis pouvait détenir le secret de sa naissance.

Cette lueur languissante contrastait fortement avec la petite silhouette obscure qu'elle éclairait à peine, cheminant à contre-jour sur le chemin de la caserne de la Cross Guard, avançant silencieusement par de grandes enjambées paresseuses, prenant le temps, sur sa route, d’écouter les dernières berceuses des geais et des merles, ainsi que le chant discret du vent dans les herbes hautes. Cet être était singulier, cet être était mystérieux, cet être était fascinant. Loin, bien loin, ailleurs, des hommes seraient prêt à tuer pour la connaissance de la créature qui se cachait ainsi sous un noir capuchon. Mais l’heure n’est pas encore venue d’en parler … Bientôt, peut-être … Qui sait ? Sachez seulement son nom. Retenez-le bien, votre vie, ou votre mort, pourraient un jour en dépendre.

Le vagabond se nommait Montjoie Saint-Denis.


Saint-Denis aimait bien la nuit, et se réjouissait souvent du crépuscule. Cet homme (ou peut-être était-ce une femme ?) appréciait les étoiles, car elles étaient la preuve tangible, visible et scintillante, que même les ténèbres les plus obscures ne pouvaient éteindre à jamais la lumière. Par ailleurs, il lui semblait avoir lu dans quelque ouvrage astronomique que certaines de ces infimes lueurs étaient en vérité mortes depuis des lustres, mais continuaient, par delà leur disparition, de resplendir aux yeux des hommes. L’explication avancée par le livre, trop prosaïque, n’avait pas retenu son attention, mais l’étrangeté du fait l’avait marquée ; depuis, chaque regard lancé vers le cosmos indifférent lui rappelait que Christobald n’avait pas péri en vain.


Mais déjà les éclats des perles du ciel s’estompèrent, reculèrent devant une masse de brouillard sombre et méphitique ; né du déchet des rues et de la cendre des foyers, c’était la fumée de la ville.

Le sol déjà s’hérissait de pavés salis, tandis que la route semblait aspirer le voyageur vers sa maîtresse. Baissant les yeux, Montjoie pût constater l’ampleur des changements dénaturant sa voie.

A l’heure où la Nature se taisait, la Ville hurlait ; quand l’obscurité avalait les collines, la cité monstrueuse ouvraient ses milles yeux de flambeaux, et continuait son babil infernal jailli d’innombrables murmures. Les pourvoyeurs de drogues et les prostituées se pressaient autours du nouvel arrivant, comme pour l’engloutir sous leur masse grouillante. A l’écart, dans les ordures, les rats, les mendiants et les chats bataillaient pour des lambeaux de viande avariée ou de vieilles épluchures. Dans les ruelles sombres luisaient des yeux avides et des couteaux.

D’un seul geste mental, l’ombre errante balaya ces nuisances, qui coururent se réfugier dans les ténèbres, plus sûrs.

Nul ne dérangea plus Saint-Denis par la suite.



Plus celui-ci s’avançait vers le centre-ville, plus la nuit se réappropriait sa quiétude d’antan ; la tyrannie y remplaçait presque l’anarchie, derrière les volets fermés à triple tour et les portes barrées.

Enfin, sans préavis, parut son objectif au vagabond : majestueuse, massive, trapue, la caserne de la Cross Guard.

En se rapprochant, il pût prendre toute la mesure de la taille de la construction, où plutôt des constructions : le quartier général de tous ceux qui haïssaient l’Echiquier s’étendait sur tout un quartier, noyant les villas environnantes de son ombre orgueilleuse.

Mais, ça et là, Montjoie notait des traces d’usures qui contrebalançait l’aspect formidable des édifices : la peinture blanche s’écaillait par endroit, comme une mue de serpent, entre les pavés les herbes folles commençaient à reprendre leurs droits. Des tâches inidentifiables (huile ? Vin ? Sang ?) jonchaient le mur usé où s’encastrait une vénérable porte d’entrée.

En caressant le bois massif de celle-ci, le spectre se souvenait du long voyage qu’il lui avait fallu pour atteindre ce lieu, de tous les lieux exotiques qu’il avait découvert, de toutes les personnes pittoresques dont il avait brièvement –trop brièvement- partagé le destin.

Mais des souvenirs plus anciens se rappelèrent alors à lui, et la raison de sa présence ici lui revint avec une brutalité terrifiante. Montjoie se reprit, se redressa, et, avec la solennité qui convenait à cet instant déterminant de sa vie, toqua à la porte avec force et régularité.

« Toc … Toc … Toc … Toc … Toc … »


Dernière édition par le Ven 13 Avr 2007 - 18:33, édité 1 fois
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Hélène
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MessageSujet: Re: La fin du voyage   La fin du voyage Icon_minitimeSam 7 Avr 2007 - 20:15

A l'intérieur de la caserne, dans le hall d'entreée, les araignées couraient dans tous les sens car, une fois de plus, quelqu'un essayait de balayer la salle.
Malheureusement pour elles, cette personne, bien que dans son état ordinaire et coutumier, pour ne pas dire normal, ne marchait guère droit, ce qui ne lui offrait pas un rendement optimal dans son oeuvre de nettoyage.

Elle s'arrêta, se laissa tomber sur une chaise et se servit un verre sortit d'on-ne-sait-où d'un alcool sortit d'elle-seule-sait-où.
C'est alors qu'on tapa à la porte. Hélène, car c'était elle, s'appuyant sur son balai comme un pélérin sur son bâton de marche, se releva et se dirigea lentement vers la porte sur laquelle quelqu'un tapait toujours lentement avec force et régularité.

Elle s'arrêta juste devant, s'humecta la gorge avec le verre qu'elle avait gardé dans sa main, puis cria une phrase de circonstance.


Qui va-là ?


Puis elle posa sa tête contre la porte massive, attendant une réponse quelconque lui indiquant si elle pouvait ou non laisser rentrer celui qui toquait.
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Montjoie Saint-Denis
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MessageSujet: Behind the door   La fin du voyage Icon_minitimeDim 8 Avr 2007 - 17:33

Comme un métronome, comme un pendule, Montjoie marquait la mesure du temps, contre la porte, avec l'obstination tranquille d'un immortel descendu des cieux. Après tout, l'attente ne pouvait être éternelle : fatalement, dans quelques instants, quelques heures ou quelques jours, quelqu'un allait venir, ne serait-ce que pour voir l'origine de ces heurts répétés du cuir contre le bois.
Un jour, quelqu'un viendrait. Un jour, l'âme du voyageur quitterait son corps, un jour la porte disparaîtrait, vaincue par la pourriture. Saint-Denis avait tout son temps.

C’est alors qu’un obstacle imprévu dérangea le cours de ses pensées, qu’un grain de sable se glissa entre les rouages implacables de l’horloge : une voix, féminine et quelque peu pâteuse, comme celle d’un ivrogne à la langue de coton, perdu dans une rêverie fantasmatique et multicolore, hurla.
« Qui va-là ? »
Une phrase banale pour un soldat, mais déplacée, décalée dans la gorge de la combattante anonyme, qui semblait faite pour brailler des chansons à boire en ignorant la vie, et non pour guetter patiemment, avec ennui mais rigueur, les menaces potentielles pour les défenseurs de Mär Heaven.

Le bras gauche, déjà raidi pour le prochain coup à porter, s’arrêta net. Le crâne perplexe de Saint-Denis bascula sur la droite, interrogateur. Elle se demandait ce qu’elle pouvait répondre à cela. Les pensées défilaient dans sa tête avec célérité, mais aucune d’entre elle ne la satisfaisait. En vérité, elle se trouvait à présent face à un problème insoluble pour elle.
Car Montjoie, voyez-vous, était muet.

De longues minutes s’écoulèrent. L’être à capuche s’était figé, immobile, dans une concentration réfléchie.
Hélène se demandait vaguement ce que pouvait bien faire le plaisantin qui martyrisait ainsi sa porte chérie, protégée des sorts les plus dévastateurs par ses bénédictions de nombreuses fois réitérées. Elle haussa les épaules, et reprit une gorgée du liquide ambré qui chatoyait au fond de son verre à pied, incitant à de subtils plaisirs les ascètes les plus endurcis. Elle perçut alors une odeur étrange, inhabituelle, qui s’infiltrait avec sournoiserie par-dessous le bois ancien de l’entrée.
Cette fragrance était complexe, changeante, et désagréable. Les parfums floraux de la lavande, du chrysanthème et du tournesol étaient en prise avec ceux, acides et insensibles, de toute une batterie d’antiseptiques reconnus. Le fracas de cette bataille olfactive assourdissait certes les narines, mais ne les empêchaient pas de distinguer le charognard qui rôdait discrètement à l’écart, prêt à s’emparer des senteurs déchues.
L’odeur de la mort, de la putréfaction et de la viande avariée.

Au même instant, Saint-Denis trouva une solution à son dilemme risible. Méthodique, il mit immédiatement en pratique cette méthode.

Un torrent invisible rugit silencieusement tandis qu’il traversait Hélène.
Elle se retourna vivement vers la porte, manquant de renverser le contenu précieux de son verre, ce qu’elle n’aurait pourtant jamais fait d’elle-même. Des émotions contradictoires s’emparaient d’elle. Elle n’aurait pas su dire pourquoi, mais il lui semblait que la chose à l’origine de ces émanations d’éther ne lui voulait aucun mal … et se trouvait présentement derrière cette porte.
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Hélène
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MessageSujet: Re: La fin du voyage   La fin du voyage Icon_minitimeLun 9 Avr 2007 - 22:32

Hélène avait encor l'oreille collée sur la porte, à l'affut du moindre son, du moindre murmure lui indiquant qui se trouvait derrière cette porte et s'il elle pouvait ou non l'ouvrir.
Mais rien ne venait troubler la quietude de la caserne, si ce n'étaient les piétinements des araignées égarées et leur interminable prière à leur divinité locale dont elles espèrent un jour obtenir qu'on les débarasse des balayeurs quotidiens.
Hélène s'en allait retourner à son activité lorqu'elle fut traversée par un sentiment qui assurément, ne venait pas d'elle...
Par de là les nuages éthyliques qui embrumait son esprit, une sensation étrangère lui indiquait que quelqu'un qui semblait ne lui vouloir aucun mal attendait derrière cette porte et qu'assurément c'était lui qui avait martyrisée la pauvre suscitée porte que les ans n'arrangeaient pas.
Déstabilisée, elle considéra le verre qu'elle avait dans sa main droite, pencha sa tête en sa direction, comme pour se regarder dedans, puis but une gorgée du liquide précieux qu'il contenait.


*Ces sentiments me sont apparut alors que je buvais, seul le divin peut en être la cause... Cela veut-il dire que le parfait est derrière la porte ? C'est possible car il est partout et en tous lieux. Cela dit, je doute qu'il n'apparaisse pour moi, Moi, Mwahahaa devant la porte de cette caserne où je suis seule à le vénérer... C'est donc que quelqu'un de très puissant se trouve derrière cette porte puisqu'il est capable de me faire penser des choses que je ne penseraient pas sinon.*

Fatiguée par ce raisonnement fastidieux, elle but encor une gorgée puis sembla se décider.
Comme la curiosité l'emporta, elle sortit un noyeau de Pêche magique qu'elle tint fermement dans son poing gauche, et serra encor un peu plus le verre qu'elle tenait dans sa main droite, puis là, comme un soldat en arme tenant son bouclier à sa gauche et son épée à sa droite, elle s'avança plus encore vers la porte.
Là, elle resta à la considérer béatement...


*ô parfait Pavot, pourquoi n'as-tu pas fait une troisième main à tes serviteurs ? Comment vais-je ouvrir cette porte sans lacher mes arme et défense ? *

Elle était encor à se lamentait quand des odeurs étranges percèrent (enfin) derrière l'épais nuage éthylique qui l'entourait...
C'était un mélange étrange de senteurs mêlées parmis lesquelles elle reconnaissait une certaine odeur , une odeur parmi celles qu'elle pouvait reconnaître parmi mille autres...
Une odeur de tournesol-rick-peu !

Elle recula, déstabilisée et indécise. Fallait-il qu'elle ouvre cette porte et qu'elle affronte la chose probablement maudite et fort dangeureuse qui se trouvait à l'extérieur ? Un doute la tiraillait... Et si elle n'était pas assez forte ? Bien sûr, la divine Confitur' était à ses côtés, mais si ça ne suffisait pas ? Ne valait-il mieux pas laisser la porte gémir sous le bruit de la chose qui se trouvait de l'autre côté et s'en retourner à sa beuverie salutaire ?
En effet, Kerio ne pardonnerait sans doute pas si une autre malfaisant personne venait vandaliser la caserne et détruire son oeuvre de plomberie...
Elle se retourna prestamment et courut vers l'intérieur de la caserne.



*Il faut que je trouve le chef. Lui, il me dira ce que je dois faire !*
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MessageSujet: Poussières, verres et mystères   La fin du voyage Icon_minitimeVen 13 Avr 2007 - 18:25

Saint-Denis patienta.

Nul ne lui ouvrit.

La subtile manipulation émotionnelle du voyageur était le fruit d’un interminable et rigoureux entraînement, commencé quelques jours à peine après sa naissance ; pour parvenir à une telle perfection, des dizaines de cobayes avaient été sacrifiés sur l’autel de sa maîtrise. A présent, la main de Montjoie avait destituée celles des rois en terme de commandement. Sans même esquisser le moindre geste, le marionnettiste des âmes pouvait forcer n’importe qui, du plus aliéné des criminels au plus paisible paysan, à commettre des actes d’une horreur si inouïe qu’elle dépassait leur imagination. Cruel, sans la moindre compassion, dans le simple but d’améliorer son talent, Saint-Denis avait, depuis longtemps déjà, poussé des victimes anonymes au suicide, au parricide, à l’infanticide. Des bêtes déchaînées avaient dévoré vivant le maître qu’elles aimaient plus que tout au monde ; des hommes périrent sous les mâchoires implacables de milliers de fourmis. Parmi la poignée de personne connaissant ces atrocités perpétrées sans passion, des prêtres tentèrent de l’exorciser, des mages de le maudire. Tous finirent par lui obéir.
Mais parfois, par chance ou par calcul, des humains destinés à la mort échappaient aux griffes mentales inquisitrices de la redoutable manieuse de sentiments. Comme elle, certains ne ressentaient plus les émotions, et ne remarquaient même plus la présence de l’usurpatrice ; chez d’autres, la fragile barrière entre la raison et la folie se brisait : les réactions aberrantes de ces âmes damnées conduisait à l’échec de toute tentative de contrôle.

Pour l’ombre devant la porte, cette manœuvre badine devait se dérouler sans le moindre accroc, comme une routine ; mais, d’une façon étrange et détournée, la foi d’Hélène l’avait détournée de la voie de l’obéissance.
Ainsi se révèle l’infinie vacuité de l’existence : même le sort le plus puissant lancé par le plus grand des mages de Gardéa peut, parfois, ne servir à rien.
Amusant retournement de situation.

L’impatience ne faisait pas parti des défauts de Saint-Denis ; elle aurait sans hésiter attendu devant les lourds battants de chêne qui gardaient, avec une fidélité sans borne, le seuil de la caserne, pendant des heures, des jours, voire des siècles : l’obstination de cette nomade ne connaissait aucun équivalent dans le monde des hommes ; une fois morte de faim et de froid, elle serait revenue au cœur de la Cross Guard sous forme de spectre pour attendre poliment, devant le linteau, qu’on l’introduise auprès du dirigeant local. Toutefois, elle évitait ce genre d’initiative pour ne pas subir le désagrément d’une attente beaucoup trop longue à son goût.
Une seule raison la poussait en fait à accélérer le rythme fatigué de ses actions : elle souhaitait la disparition de l’Echiquier. Dire qu’elle ne vivait que dans ce but n’était aucunement exagéré. Dans le cas contraire, après tout, il lui aurait suffit d’attendre l’Apocalypse pour assister à la fin de cet indicible ennemi – ainsi qu’à celle de Mär Heaven entier par la même occasion. Mais non : Montjoie était si
dérangée par l’Echiquier qu’elle préférait hâter cette inéluctable disparition, en l’assistant de ses propres mains.
C’est ainsi que l’agacement fit son entrée dans la psyché étrangère de cet hère : chaque jour passé étant un tour durant lequel aucune Pièce n’était prise, la voyageuse commença à se préoccuper de l’écoulement du temps, si rapide, si silencieux à ses yeux …

C’est pourquoi, devant le mutisme absolu des mystérieux occupants de ce vaste lieu que la créature avait enfin atteint, elle envisagea de fixer une limite de temps, en forme d’ultimatum, avant de pénétrer de force le quartier général de la Cross Guard, en déployant cette fois la pleine mesure de ses pouvoirs mentaux. Elle réfléchit à la durée la plus adaptée à cet office.
Malgré quelque espérance en ce sens, aucun soldat ne vint troubler cette méditation. La porte restait close.
Enfin, son choix fut effectué : dès demain, à l’heure exacte de son arrivée ici, les battants ne bloqueraient plus le passage à son avancée.
Durant cette plage de temps plutôt généreuse, elle ne fermerait pas les yeux un seul instant, au cas où l’ouverture attendue se produirait précisément durant son sommeil.

Toutefois, il vint soudain à l’esprit du glacial manipulateur que la recrue qui lui demanda, soûle, de décliner son identité, avait peut-être d’excellentes raisons de ne pas lui répondre. Les possibilités étaient innombrables : elle pouvait être morte, endormie, en état d’ébriété trop avancée pour accomplir correctement la moindre action …
Saint-Denis estima que cette dernière réponse était la moins probable : il était impensable qu’un soldat de la noble et estimée Cross Guard s’adonne à la boisson durant son tour de garde. A toute heure, quelles que soient les circonstances, ces fiers combattants devaient se montrer digne de son affiliation, et capables d’accomplir efficacement les ordres de leur commandant. La négligence et l’indiscipline n’avaient pas de raisons d’être face à la destruction hiérarchisée qu’était l’Echiquier.
Mais alors … pourquoi ces hésitations alcooliques dans le ton de voix de celle qui l’avait interpellée ? La voyageuse se renfrogna. Et si elle s’était montrée trop optimiste ? Et si la Cross Guard avait perdu de sa puissance (quoiqu’à bien réfléchir, n’avait-elle pas dû, il y a de cela quelques années, faire appel à un étranger venu d’un autre univers ?) ? Etait-elle encore capable de rivaliser avec l’Echiquier ? ...

Rien ne se passait.


* La seule manière de vérifier ces prévisions pessimistes serait de rencontrer chacun des autres soldats afin de tester avecque soin leur loyauté et leur sens du devoir. Or, cela ne m’est point encor possible pour le moment. Je vais doncque tout à l’heure discerner ce qu’il en est de mon ivrogne, et de sa probable surdité. *
Ainsi raisonnait Saint-Denis.

Son esprit se déploya soudain en une cristalline toile d’émotion, s’étendant, légère et délicate, autour de l’ombre encapuchonnée, monolithique, de son silencieux créateur. Sa trame, d’azur, d’argent, de pourpre et d’incarnat, flamboyante, arachnéenne, prismatique, était constituée de deuil et d’euphorie, de colère, de fatigue, de mélancolie et d’angoisse. Mais seul son invocateur pouvait percevoir ses multiples nuances. En son centre exact se tenait, tel une veuve noire d’un gris nacré, une araignée de devoir et de détachement.
Il s’agissait de Montjoie lui-même.

Le voile de perception, ondoyant, s’éleva doucement dans les airs, jusqu’à atteindre le niveau de la poitrine du mage de l’esprit. Le lendore ne prononça pas une parole. Le fantôme éclaireur partageait ses pensées. Dans un brusque glissement fluide, la sonde, car telle était la fonction de cette chose, traversa la paroi du bâtiment désigné. Le mur de pierres de taille n’en fut aucunement affecté.
Une véritable carte des utilisateurs d’émotions luisait à présent devant l’âme du sorcier ; ce dernier l’examinait avec une acuité inhumaine, en quête de la jeune fille qui lui avait parlé.
Il ne la trouva point. Aucun humanoïde à proximité. Elle s’en était allée.
Les principales occupantes de la salle, galopant par saccade quand elles ne tissaient pas avec application, s’inquiétaient encore de la présence de leur persécutrice, cherchant les traces de son départ de toute l’acuité de leurs multiples paires d’yeux. D’autres laissaient déjà éclater un insignifiant soulagement arachnéen, voire s’intéressaient sans prudence à leur prochain repas. Lequel aurait hurlé à la mort s’il avait disposé de cordes vocales.

Quoi qu’il en soit, rien ici ne pourrait laisser entrer l’apparition obscure. Pire, ces innombrables arthropodes, détenteurs de huit pattes et d’autant d’yeux, étaient la preuve vivante du relâchement de la discipline infiltré sournoisement à la Cross Guard. On aurait dû lui ouvrir. On aurait dû rester pour l’accueillir, caché derrière un œil-de-bœuf. On aurait dû faire voler, d’un coup de chiffon rageur, poussière, araignées et les autres souillures.
Saint-Denis ne pouvait supporter ni la saleté … ni l’Echiquier.

Au fond d’elle-même, en son for intérieur, ses illusions se brisaient les unes après les autres. Elle était venue pour se concilier la force puissante dont la simple présence tenait les forces du Mal en respect. Maintenant, blasée, elle ne cherchait plus qu’à connaître l’étendue de la déchéance de celle-ci.
Elle augmenta l’étendue de ses perceptions …

Loin derrière elle, une ombre solitaire glissait avec douceur, comme une dernière caresse avant la mise en terre, sur les toits endormis …
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Hélène
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MessageSujet: Re: La fin du voyage   La fin du voyage Icon_minitimeSam 14 Avr 2007 - 0:08

petit déménagement provisoire ici :

http://marheaven.heavenforum.org/Les-quartiers-c2/La-caserne-Cross-f11/La-salle-du-conseil-f14/Morphee-p1042.htm#1042

^^=!
patience Saint-Denis, Hélène reviendra peut-être pour t'ouvrir la Porte de la Caserne et t'introniser dans ce leiu étrange en t'aspergeant comme il se doit de quelque breuvage dont elle seule connait la composition exacte...
!=^^
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Rika
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MessageSujet: Super Rik est là ! ^^'   La fin du voyage Icon_minitimeMer 18 Avr 2007 - 12:08

Rika arriva devant la porte, à l'intérieur de la caserne. Fallait-il ouvrir à cet individu ? Elle se dit qu'il pouvait être muet, sourd, aveugle, ou même quelqu'un de l'Echiquier. Dans l'air flottait un vague parfum de tournesol. Cela n'était pas bon signe. Surmontant sa répulsion, Rika entrouvrit la porte. Un oeil violet fixa Montjoie pendant quelques instants.

Rika entraperçut le fait que Montjoie veuille rejoindre la caserne Cross malgré le fait qu'il était muet. Ou plutôt, le perçut. On aurait pu donner d'autres synonimes de cette action passive. Comme sentir, percevoir ... Mais là n'était pas la question.

Elle ouvrit donc la porte à l'arrivant(e). Ses yeux redevinrent normaux.

Vous êtes le bienvenu à la caserne ...

Les dés du destin étaient maintenant dans la main de Montjoie ...
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Kerio
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MessageSujet: super Kirio-kun à la rescousse !   La fin du voyage Icon_minitimeMer 18 Avr 2007 - 19:42

Lorsque Kerio arriva dans le vestibule d'entrée de la caserne, tirant Hélène par la manche et poursuivi par Athanase enfin réveillé, Rika était en train d'entrouvrir la porte.

Il redoubla de vitesse, lâchant Hélène qui l'encombrait pour arrêter Rika avant qu'il ne soit trop tard.
Car il avait un étrange pressentiment. L'impression que celui qui se trouvait derrière cette porte était puissant. Bien trop puissant pour lui, sans doute.
S'il était animé de mauvais desseins, alors il faudrait batailler rudement pour défendre l'entrée de la caserne, et tels des soldats défendant leur foyer des loups, frapper fort et juste pour ne pas laisser l'initiative. Mais les loups ne sentaient sans doute pas le tournesol et surtout, ils ne frappaient pas à la porte de l'organisation qui a pour but de détruire le mal et son représentant principal sur Mär Heaven : l'Échiquier. Ou sinon, c'est qu'il s'agissait d'un loup machiavélique...
Mais sans doute était il tout à fait sympathique et voulait lui aussi détruire le royaume du mal.
Mais comment être fixé si ce n'est en ouvrant la porte ?
Rika avait finalement bien agi, le prenant de court. Mais seule faisait-elle le poids face à l'intrus ?

Elle ouvrit la porte en grand et annonça jovialement qu'il était le bienvenue à la Cross.

*De quel droit accueilles-tu cet individu sans rien savoir de lui, sans connaître ses motivations et surtout sans l'accord du chef*

Car Kerio, en tant qu'ex-duc, avait un sens important de la hiérarchie et surtout du respect de la hiérarchie.

Mais tandis qu'il s'indignait muettement, le nouvel arrivant apparut à ses yeux.
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Athanase Eärfalas
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MessageSujet: Re: La fin du voyage   La fin du voyage Icon_minitimeMer 18 Avr 2007 - 22:18

Essoufflé, mais enfin éveillé, Athanase arriva dans l’entrée juste derrière Kerio. Il put alors entendre Rika souhaiter la bienvenue à l’étranger qui frappait tantôt. Kerio se précipitait vers la porte, comme s’il voulait faire un rempart de son corps contre l’intrusion du nouvel arrivant, si celui-ci se révélait hostile. Le chef de la Cross Guard se plaça alors à ses côtés, juste derrière Rika. Qui que puisse être celui (ou celle) qui se présentait ici à cette heure du crépuscule, il avait devant lui l’intégralité des effectifs de la Cross.

Cela devait paraître étrange, d’ailleurs, pour quelqu’un d’étranger … La glorieuse organisation qui avait mis en échec les plans de destruction de l’Échiquier comptait dans ses membres une gamine, un vieillard, un jeune homme effacé qui ne semblait à première vu bon à rien, et même en arrière plan une ivrogne. Même sans savoir qu’il y avait là la totalité des membres de la Cross, il y avait de quoi être … surpris dirons-nous, pour ne pas dire vaguement dégoûté. Mais Athanase essayait de ne pas penser à la mauvaise impression qui risquait de bondir sur le visiteur, et tâchait de faire bonne figure.

Il sentait l’odeur qui se dégageait de celui-ci. Une odeur étrange, pas vraiment repoussante, mais qui mettait mal à l’aise sans que l’on sache vraiment pourquoi. Il y sentait des fleurs … Du tournesol ? C’était donc ça le tournesol dont parlait Hélène ! Pourquoi s’était-elle focalisée là-dessus, encore une chose incompréhensible de sa part … Après tout, une de plus, une de moins … Mais l’odeur était plus complexe qu’un simple parfum floral … Antiseptique ? Étrange … Cette personne était-elle blessée ? Et puis, il y avait quelque chose d’autre … Quelque chose qu’il n’arrivait pas à identifier … C’était de cette légère odeur camouflée par le reste que provenait son vague malaise.

Le personnage mystérieux était devant lui, mais à l’extérieur, on aurait pu dire à contre-jour si ce n’avait été la nuit, et Athanase ne voyait de lui qu’une vague silhouette noire. Il frissonna, et la fraîcheur nocturne n’y était pour rien. Et d’un coup il compris d’où provenait cette impression étrange : l’odeur qu’il ne parvenait pas à identifier, c’était celle de la mort. Une charogne. Voilà ce que l’inconscient ressentait face à l’odeur du visiteur. Mais qui pouvait donc être cette personne, qui venait à une heure si tardive ?
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Montjoie Saint-Denis
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MessageSujet: Une entrée longtemps espérée ...   La fin du voyage Icon_minitimeMer 25 Avr 2007 - 17:52

Araignées. Asticots. Quelques petits lézards, même, dans les plus profondes fissures des parois de pierre. Voila en quoi semblait consister la grande, terrible et impressionnante garnison de la Cross Guard. Voila ce que l’esprit de Saint-Denis, tourbillonnant, sinistre, avec la légèreté lugubre d’une brise glacée, à travers les immenses salles, les murs épais et les couloirs interminables de la caserne, percevait des innombrables occupants de ce vaste lieu. Avec de tels défenseurs, se disait-elle avec amertume, il suffirait d’un jour, voire même peut-être moins, pour faire tomber ses fortifications défaillantes. A moins que … le lucide et sagace dirigeant de cette armée n’ait choisi précisément ce jour, cette heure, ce moment bien précis, pour organiser une rapide réunion, afin de transmettre à ses loyaux subordonnés ordres, conseils et astucieuses recommandations, nécessaires et indispensables pour écraser impitoyablement, dans l’œuf si l’on peut dire, la moindre tentative d’infiltration de l’infâme Echiquier.
Ce devait être cela, le doute n’était point possible ; c’était la seule explication qui rendait parfaitement compte du phénomène observé. Cela expliquait même le peu d’effectif montant présentement la garde de la porte principale ; les vigiles habituels assistaient probablement en ce moment même à ce conciliabule aux réflexions poussées.
Soudain, sans préambule, une silhouette humanoïde traversa, d’un pas vif et altier, la frontière fluctuante du voile de perception du spectre immobile.
Montjoie n’en fut guère affectée, pas plus que l’intruse (qui n’en était d’ailleurs, en toute vraisemblance, pas une) : il eut été étonnant que l’imposant bâtiment fut totalement déserté, à la merci des pillards. Par ailleurs, la surprise ne faisait pas partie des émotions que le voyageur mystérieux ressentait facilement. La perplexité, oui ; le doute également ; et l’intérêt de même ; mais la surprise, non. Son organisme en était incapable.
Laissant les arthropodes à leurs émois infimes et leur vain soulagement, la sombre apparition reporta, enfin, son attention entière sur la fière soldate … Et aperçut alors qu’à la suite de celle-ci, suivant ses traces, d’autres créatures accouraient vers l’entrée.
La vérité la frappa comme une évidence : devant ce qui passait pour un silence obstiné, la garde avait consciencieusement analysé la situation, et décidé de ne lui ouvrir qu’après avoir cherché du renfort, prévoyant le cas, improbable mais pas impossible, où la nouvelle arrivante serait un ennemi cruel, aux manœuvres d’une complexité digne de Machiavel.
Voila qui était rassurant.
Son ivresse apparente n’avait aucunement amoindrit ses facultés de jugement ; elle avait pris une décision rationnelle se fondant sur le peu d’éléments d’informations dont elle disposait. Elle était largement plus disciplinée qu’elle n’en donnait l’impression.
Il était par conséquent fort possible que la Cross Guard entière soit à cette image : cachant sous des dehors misérables et, il faut bien le dire, minables, comme une perle dans une huître, le cœur d’or de l’ordre et le squelette de fer de la force.

* Mais ce n’est point une certitude encor … prudence, la morsure cruelle de la déception peut frapper même les auspices les plus favorables ... Mieux vaut attendre, et observer. Wait and see. Voyons d’abord ce qu’il en est de l’âme de ces soldats ... *

Un rapide survol. Son comité d’accueil comportait un total de quatre membres, aux caractères globaux aussi évidents que variés.
Celle qui ouvrait la marche semblait être une fille. Ses émotions flamboyaient. Quelle que soit celle qu’elle éprouvait, il était certain qu’elle la ressentait pleinement, sans demi-teintes blafardes. Elle avait soif de révolte, de liberté –un trait typique d’une certaine jeunesse d’esprit-, et son inextinguible optimisme, ainsi que sa forte estime de soi, l’empêchait de sombrer face à … Mais cela n’intéressait pas la mage devineresse.
L’enfant était accompagné par une autre âme, plus petite, aux réactions presque semblables à celles de sa maîtresse supposée, mais pas tout à fait … Elle comportait quelques nuances pastels, plus sombres, plus pessimistes, plus adultes … Mais ces infimes retouches restaient extrêmement discrètes. Ces marques subtiles procurèrent à Montjoie une distraction passagère durant quelques instants, et celle-ci essaya de déterminer à quel point précisément les deux êtres étaient identiques, mais se lassa rapidement, préférant observer ses suivants nerveux. Elle se promit néanmoins d’y revenir très bientôt … En tant que peintre, la voyageuse s’intéressait de près aux dégradés aussi subtils que celui-ci.
Venait ensuite un homme âgé, plein de sagesse et d’expérience. Il paraissait être droit et sensé ; on aurait pu dire qu’il avait la tête sur les épaules, et que ces dernières étaient suffisamment solides pour supporter le poids de n’importe quelle responsabilité.
Il s’agissait probablement du chef de l’organisation.
L’observateur mystérieux s’apprêta à analyser une autre psyché, quand une particularité de l’esprit le retint. Il remarqua qu’il y avait chez le vieillard quelque chose d’étrange, un détail de sa tournure d’esprit trop … inhabituel pour être anodin. A se demander s’il venait véritablement du même monde que les autres …
A cette entité mystérieuse succédait une âme infiniment plus simple à déchiffrer. C’était une pocharde. Des joies d’ivrognes, des colères d’ivrognes, des inquiétudes d’ivrognes constituaient véritablement le fond de la pensée de la demoiselle. Pour résumer, si l’esprit avait une forme physique, les réflexions de celui-ci seraient contenues dans une bouteille de verre, voire carrément un tonneau. Cette mentalité écoeura tellement Saint-Denis qu’elle entreprit immédiatement de changer la cible de sa perception.
Un jeune homme efflanqué emboîtait le pas à la fille bourrée, et fermait du même coup la marche des soldats. Le spectre devant la porte ne pouvait pas véritablement voir et contempler les idées des gens avoisinants, mais pouvait du moins estimer leurs couleurs. Ici, elles se révélaient d’un sinistre gris sombre, qui tendait vers le noir comme le jour, dehors, s’engloutissait silencieusement dans la nuit. Cet être était perpétuellement rongé par la culpabilité, le doute, le désespoir ou la fatigue, et ne possédait tout simplement pas le charisme nécessaire pour s’imposer. Il était condamné à se faire traîner péniblement par d’autres là où il ne désirait pas aller.
Et pourtant … il était encore debout. Malgré ses avanies, il continuait farouchement d’aller de l’avant ; sa tristesse latente était tenue en échec par une lumineuse étoile : sa force de volonté.
C’était ce garçon qui captivait le plus la créature encapuchonnée … et ce pour une raison tout à fait personnelle : il y eut un temps, dans sa jeunesse lointaine, où elle avait affronté la même situation. Pendant quelques jours. Jusqu’à ce qu’elle découvre le corps ensanglanté. Depuis cet instant fatidique, broyer du noir lui était aussi impossible que de voler. Mais ce combattant lui rappelait ces temps ancien, où ni joie ni peine ne lui était interdites.
En d’autres termes, s’il connaissait la même série d’événement que Montjoie … il deviendrait comme elle. Un fantôme, un spectre, une âme damnée entièrement focalisé sur un objectif, à l’exclusion de tout autre, un but qui, à lui seul, l’empêcherait de connaître le repos de la tombe.
Oblitérer l’Echiquier.
Cela en ferait un allié précieux … il faudrait y réfléchir.

De façon surprenante, un point commun unissait pour l’instant ces humains si disparates : une certaine tension planait sur eux … comme un doute devant leur capacité à maîtriser l’intruse ... Evidemment, chacun ressentait cette impression à un degré différent, et ne l’exprimait pas de la même façon (les sentiments allaient de la vague répulsion au malaise inexplicable, en passant par un profond dégoût mâtiné de compassion). Mais tous étaient frappés.
La lendore s’interrogea : si leur instinct leur cornait si fort aux oreilles qu’ils ne DEVAIENT PAS ouvrir la porte … pourquoi le faisaient-ils ? Ignoraient-ils que certaines vérités se perçoivent mieux avec le cœur qu’avec l’esprit ?
Cela dit … ils avaient sans doute raison. La nouvelle arrivante disposait sans doute des pouvoirs suffisants pour tous les vaincre en une fois (croyait-elle …), bien que telle n’était pas son intention. Mais dans ce cas, comment Diable le savaient-ils ? Peut-être possédaient-ils eux aussi des capacités de voyance ?…
L’apparition se sentit vaguement mal à l’aise …
Derrière elle, la nuit avait enfin étendu sur le monde son manteau de ténèbres. Un vent froid soufflait à présent dans le dos sensible de la créature, ignorant avec dédain la protection dérisoire qu’était sa cape de voyage. Un croassement sordide résonna soudain dans le silence nouveau, encore vierge, de l’éternelle Némésis de la lumière. Un cri de triomphe cynique, celui du charognard qui nargue sa proie immobile. « Moi je suis vivant. Toi, tu as perdu. Je vais me repaître de ta chair, un autre emportera tes os. Il ne restera plus rien du mouton, de l’âne ou de l’homme que tu fus. Seuls les corbeaux survivent. »
Un froissement d’ailes, juste derrière l’ombre passive. Le hurleur se lissa calmement les plumes, et posa son regard rouge sang, insistant et stupide, sur son (bien involontaire) meneur. C’était une ombre blanche au regard de feu, dans lequel on ne pouvait pas lire le degré exact d’intelligence de son détenteur. Juste la faim. Et l’attente.
L’érinye était une corneille noire … blanche. Albinos.
Saint-Denis se rasséréna. Ses agaçants compagnons de route n’avaient rien en commun avec un chien bien dressé. Plutôt que de le suivre comme l’écume s’attache aux navires, la nuée vorace se comportait à la manière des dauphins. Nager dans le sillage d’un bateau de pêche est bien moins fatiguant que d’effectuer seul la traversée des gouffres amers ; et tant pis s’il faut flatter l’équipage pour rester. D’autant plus que si la manœuvre réussit … la nourriture ne sera plus un problème.
Le vol d’oiseaux qui pistait l’évanescent fantôme attendait qu’il leur fournisse de nouvelles proies. Gouvernés par une faim dévorante, la loyauté restait, pour eux, lettre morte. Au moindre signe de danger, les éclaireurs du groupe de volatiles, sans aucune dignité, s’éparpillaient comme une volée de moineaux. Et leurs sens étaient bien plus aiguisés que ceux de leur « généreux donateur ».
Voila pourquoi l’ombre de doute qui commençait à hanter le spectre s’évanouit dans le néant quand il décela la présence obsédante de sa corneille préférée, Munin. Si ce morfale blanchâtre osait ainsi atterrir quasiment sur son épaule, en méprisant des lieux plus à même, pour l’heure, de suspendre momentanément sa permanente fringale, c’était qu’aucun danger ne menaçait sa « maîtresse ». Par conséquent, aucune épée de Damoclès ne se balançant avec langueur par-dessus son crâne, la peur n’avait, pour l’instant, aucune raison de perpétrer ses menaces …
L’apparition faillit sursauter quand la porte du bâtiment s’entrouvrit en grinçant : son sentiment de sécurité l’avait poussée à se relâcher, et elle ne s’était pas aperçu que le petit groupe de soldats avaient déjà atteint l’entrée de la caserne. Elle se morigéna intérieurement, et s’admonesta à ne jamais relâcher son attention : comme le disent les sages, « Nulle part dans les airs, ni au milieu de l’océan, ni au fond d’une grotte profonde, n’est trouvée une place sur terre où, y demeurant, l’on ne puisse être vaincu par la mort. ». C’était pourtant à cause d’une telle négligence que son père fut tué, il y a si longtemps …
Un fragment de visage s’encadra dans l’entrebâillure du battant. Un oeil violet fixa Montjoie pendant quelques instants.
Quelles que pouvait être les impressions de celle qui possédait un si troublant regard (la jeune fille, lui souffla son don), l’examen dut être jugé satisfaisant.
La porte fut brusquement attirée vers l’intérieur du couloir, et l’enfant lui souhaita doucement la bienvenue en cet endroit. Ses yeux étaient devenus bleus.
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MessageSujet: L'ombre sur le seuil   La fin du voyage Icon_minitimeMer 25 Avr 2007 - 17:54

Pendant un bref instant, la voyageuse fut aveuglée par la lueur soudaine des torches murales ; puis ses pupilles s’adaptèrent à la luminosité ambiante, et elle put distinguer clairement, enfin, les guerriers qui avaient daigné venir à sa rencontre.
Tout d’abord, la gamine qui lui avait ouvert, identifiée comme orgueilleuse et rebelle. On aurait pu la prendre pour une simple préadolescente d’une dizaine d’année, sans la gravité sereine qui sourdait de son regard azuré (de quelle manière ses pupilles avaient-elles changé de teinte si rapidement ?). Ses longs cheveux vert pâle tombaient avec une négligence prodigue autour d’un visage juvénile, dont les yeux cyan, encadrés de fins sourcils noirs, occultait les autres traits gracieux de la jeune fille par un magnétisme d’une intensité prodigieuse. Ils reflétaient à eux seuls la vie entière de leur calme propriétaire.
La jouvencelle s’était emmitouflée dans une toge immaculée, qui peinait à la protéger du froid mordant qui étendait, dehors, son règne sur les toits.
Elle tenait, négligemment, contre son épaule droite, un sceptre de bois peint, céruléen, surmonté de la sculpture, finement ouvragée, de la plus intelligente et amicale créature des océans : un splendide dauphin argenté. L’impression positive, qui aurait pourtant pu en résulter, était néanmoins gâchée par l’équilibre du délicat bâton : le pommeau zoomorphe, par son profil élancé et particulièrement fin, évoquait, de façon irrésistible, une lame de faux.
C’était cette arme hypocrite qui véhiculait l’âme sœur de la jeune fille.

Derrière cet inquiétant duo se tenait, légèrement en retrait, le reste du comité d’accueil.
Attribuer chaque âme à son corps d’origine se révélait d’une simplicité enfantine.
Le vétéran sagace était le vieil homme à la peau sombre, qui dévisageait Montjoie d’un air impénétrable, depuis l’ombre de son singulier chapeau topaze, plat et pointu ; un pendentif métallique reposait contre son informe tunique bleutée, et il se donnait beaucoup de mal pour convaincre ses observateurs que sa frêle constitution le contraignait à s’appuyer sur son robuste bâton taillé.
A son côté se tenait le jeune homme déprimé, dont l’aspect frappa fortement le sens artistique de la nomade : il était en noir et blanc. Ses vêtements étaient gris, ses cheveux étaient gris ; même ses yeux étaient gris. Et son teint livide trouvait sa raison d’être dans le contraste avec les idées noires du soldat las. Saint-Denis se demanda comment remédier à ce manque de couleur … peut-être en lui greffant des yeux dorés … Quoi qu’il en soit, il fallait faire quelque chose.
Derrière ce petit groupe, arrivait, enfin, titubant avec célérité, la bacchante qui, à la réflexion, avait sans doute sommé l’intruse de décliner son identité. Son visage de rousse euphorique était constellé de tâches de rousseur, qui se confondaient avec la teinte bordeaux de son appendice nasal, révélatrice de son statut de dipsomane ; son habit cérémoniel, incongru sur la débauchée, souillé de vins innombrables, présentait originellement le même aspect orange pâle que son bonnet grossier, décoré d’un énorme coquelicot. La postulante au poste de guerrière détourna le regard de cette fille incapable de focaliser le sien.

Dès cette première rencontre, la voyageuse savait qui l’agacerait (la jeune fille), qui elle respecterait (le vieil homme soupçonneux), qui elle mépriserait (la garde avinée). Elle s’autorisa un petit sourire pour cette prévoyance.
En fait, sa physionomie faciale ne lui permettait pas d’arborer d’autres expressions du visage.

Les soldats se sentaient, globalement, mal à l’aise : qui pouvait bien choisir cette heure pour son arrivée à la caserne ? Un ennemi méconnu, aussi audacieux que génial ? Un allié potentiel, aux horaires inhabituels ? Pourquoi l’hère venait-il ici ?
Pourquoi répandait-il, là où il avançait, l’odeur de la mort ?
Leur trouble était d’autant plus accru par leur difficulté à distinguer le nouvel arrivant, embusqué dans l’ombre nocturne, hors du faisceau des torches.
Enfin, la chose parut se décider, et, lentement, effectua son premier pas à l’intérieur du bâtiment.

Une main émergea tout d’abord des ténèbres, comme vomie par ceux qui l’avaient engendrée, et prit son appui contre le lourd chambranle de la porte. C’était un gant livide, d’une pâleur spectrale, aussi blanc que la peau d’un cadavre exsangue. Il prolongeait la manche obscure d’un manteau, ce qui empêchait quiconque d’apercevoir la chair de l’être qui possédait de tels appendices. On devinait, sous la surface du ceste, le travail mécanique de tendons épais, tantôt s’agitant comme des serpents, tantôt se figeant, tendus comme les ficelles d’une marionnette ; le membre paraissait si décharné qu’il incitait à la croyance irraisonnée, obscure et fantastique, selon laquelle la faim avait déjà, depuis bien longtemps, mis fin aux jours du spectre qui s’avançait.
Puis une lourde botte chut dans la lueur des torches, noire comme l’âme du Diable, excroissance difforme emmanchant, elle aussi, un sombre pan de tissu fin. De fines arabesques d’argent terni, de distordues volutes, couraient, tels de minuscules feux follets, sur la surface entière de la chaussure, comme si sans ce renforcement, elles ne pourraient soutenir le poids de leur silencieux maître.
La créature se pencha alors, pour passer sous le sobre linteau de pierre ; et Saint-Denis franchit le seuil de la caserne.

L’imposante forme sombre s’immobilisa subitement, sans un mot, sans raison ; et chacun put détailler l’apparence malsaine, dépenaillée et effrayante de l’apparition.
On aurait dit un homme, mais un homme des Ténèbres, le rejeton monstrueux de quelque démon sortit tout droit d’un roman fantastique ; à sa vue, des pensées étrangères défilaient dans les esprits fragiles, des pensées inachevées, des suggestions chimériques nées de l’inconscient collectif : des pensées de chevauchées effrénées, de traques impitoyables en quêtes de proies terrifiées, des pensées de soumission devant des maîtres impies.
Le plus inquiétant dans tout cela était que physiquement, l’inconnue n’était en rien difforme ou envoûtante … À vrai dire, sa physionomie précise se trouvait camouflée par un interminable manteau à capuche sombre, vieilli, usé, souillé de poussières mêlées à la boue d’innombrables chemins oubliés, qui dissimulait le moindre de ses traits. Ses mains étaient gantées, bottés étaient ses pieds : la lumière du jour ne pouvait l’effleurer. Son corps entier semblait s’être secrété une carapace de d’argent, de cuir et de mousseline noire pour se protéger des attaques du Jour.
Inévitablement, le regard des guerriers se porta lentement, avec appréhension, vers le faciès mystérieux de la créature obscure, soutenu à presque deux bons mètres au dessus du sol par sa carcasse drapée de soieries, qui même recouverte de tant de parures laissait dans les esprits l’image, désagréable, du squelette ivoirin de quelque ogre des légendes anciennes.
Dans l’interstice béant laissé par la cagoule de la voyageuse, un visage livide, solennel, de la blancheur de la neige hivernale, dont les traits à peine esquissés paraissaient s’être érodés sous les assauts du temps, figé dans une interrogation aussi douloureuse qu’éternelle, contemplait avec une pitié manifeste les occupants de la place forte. On aurait dit le crâne d’un ange, car en lieu et place de globe oculaire, deux éclats de verre fumé, teinté, prenait place sur l’encéphale.
Il s’agissait d’un masque de carnaval.

De l’autre côté de cet écran montait dans l’air nocturne un gémissement, lugubre et musical, un requiem : la respiration de l’errant. Une longue plainte mélancolique, profonde, rauque, s’étirant languissamment dans un interminable gargouillis. Chaque inspiration était une asphyxie, chaque expiration le râle d’un mourant.
Dans le silence hébété, assourdissant, des hôtes de Montjoie, seul le crépitement discret des torchères, et la clameur endormie de la rue, toute proche, accompagnaient ce chant mortuaire dans cette symphonie de damnés.
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Athanase Eärfalas
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MessageSujet: Re: La fin du voyage   La fin du voyage Icon_minitimeDim 29 Avr 2007 - 18:16

Une apparition venue des ténèbres. Un cauchemar.

Athanase réprima un involontaire mouvement de recul devant cette créature qui paraissait sortir d’un terrible mauvais rêve, hantant les hommes pour les rendre fous. Il se raisonnait : en toute objectivité, il n’avait devant lui qu’un être humain de grande taille, et aux vêtements bizarres … et à l’odeur de mort … et à la respiration qu’aurait un cadavre s’il devait respirer …

Son inconscient lui hurlait que cette créature était venue pour le détruire, tandis que la part de son esprit qui restait rationnelle se demandait s’il n’était pas justement en train de dormir et de cauchemarder. Hélas, il semblait que non … Mais ce n’était pas son genre de s’effrayer d’un rien, alors il prit son courage à deux mains et fit un pas en avant. Suivi par le regard de ses soldats qui paraissaient figés et le regardaient comme s’il allait à l’échafaud.

Le gargouillement de la respiration de Montjoie résonnait dans le silence, transformant le calme de la nuit en une terreur insidieuse. Tout chez l’étranger se liguait pour créer un effroi digne des pires cauchemars de l’homme.

Athanase, la respiration oppressée, se jeta à l’eau et prit la parole.

Qui êtes-vous ? Que cherchez-vous en ces lieux ?

Sa voix lui parut stridente, et si peu de choses, absorbée qu’elle était par le manteau de ténèbres qui entourant Saint-Denis. Le jeune homme était pâle, mais sans doute pas plus que d’habitude n’est-ce pas ? Et les frissons qui le parcouraient étaient sans aucun doute dus à la fraîcheur nocturne … Bien entendu.

Il posa ses doigts sur la chaîne du Tinùviel, inconsciemment, dans un geste de conjuration. La tête levée vers l’apparition, il attendait sa réponse, en s’efforçant de ne pas laisser transparaître cette peur qui se glissait en lui.
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Montjoie Saint-Denis
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MessageSujet: Ainsi parlait la bouche d'ombre.   La fin du voyage Icon_minitimeVen 4 Mai 2007 - 17:57

En un instant, l’apparition lugubre du spectre obscur réduisit à néant l’insouciance joyeuse qui régnait usuellement sur la caserne.
Les hommes ont coutume de dire que le silence est d’or ; mais la chape de tension muette, rendue vibrante par la panique latente, quant à elle, pesait sur les soldats comme le poing de plomb de quelque divinité vengeresse. Le temps semblait s’être arrêté …
Alors, seul devant l’immense créature sombre et sifflante, dont le masque camard évoquait la figure fantastique de quelque Faucheuse venue l’emporter, sans attendre le secours de ses compagnons tremblants figés par l’angoisse, le jeune homme aux cheveux gris s’avança, et, d’une voix éraillée et stridente, s’adressa au spectre né du soir.


« Qui êtes-vous ? Que cherchez-vous en ces lieux ? »

Il serrait dans sa main, à s’en faire blanchir les phalanges, un objet métallique, un ärm sans doute, comme un fétiche protecteur. La peur suintait par tous les pores de sa peau frémissante, mais elle ne possédait plus l’ascendant sur lui. Sa terreur s’était montrée incapable de l’empêcher d’agir ; malgré son effroi, il s’était montré digne d’appartenir à la Cross Guard. Car il avait dominé sa peur.

Le voyageur encapuchonné se tourna doucement vers l’émissaire des combattants. Ses pensées, abritées derrière son masque ivoirin, demeurèrent, une fois encore, impénétrables. Son regard de verre noir transperça l’infortuné porte-parole, pendant de longues et innombrables fractions d’éternité … quelques secondes.
Puis la statue d’obsidienne, enfin, s’anima. Ophidien, son bras droit se replia contre le flanc de son manteau terni, et sonda, avec une minutie patiente, les profondeurs mystérieuses d’un gousset camouflé. Quand il émergea de la cache de tissu, la main gantée qui le prolongeait tenait délicatement, entre deux doigts faméliques, un carnet défraîchi.
Le calepin avait déjà vécu de longues années d’exil, comme en témoignaient ses pages écornées ; mais sous la fine couche de saleté moisie qui couvraient sa surface, on devinait, à la couleur étincelante de noirceur, qui perçait sous les outrages que le Temps lui avait fait, un passé de luxe discret, quand l’apparence seule, encore, importait. De fins tracés géométriques marmoréens s’entrelaçaient subtilement sur le pourtour de la couverture sombre.

Cela faisait longtemps que Montjoie possédait ce livret … Elle l’avait trouvé à terre, dans la ruelle peu fréquentée d’une ville du désert, enseveli sous une infime couche de sable clair ; comme si on avait voulu l’enterrer hâtivement, avant de se faire surprendre par quelque chose …. Elle l’avait ramassé, et s’était aperçu que le registre, abandonné malgré un état très correct, possédait une étiquette, à demi effacée, interne à la couverture, libellée « [illisible] …note belongs t… [illisible] ». Le cahier était intégralement vierge, à l’exception probable des premières pages, violemment arrachées. Elle se permit alors de s’approprier le journal, dont la découverte curieuse parlait à son imaginaire.
Depuis, Saint-Denis se servait de l’ouvrage pour y écrire ses paroles, qu’elle était incapable de prononcer d’elle-même.

Un crayon mal taillé pendait tristement à une ficelle de chanvre, qui le reliait indéfectiblement au carnet noir de jais.

L’être masqué entrouvrit avec douceur les pages jaunies, usées ; et sa main senestre, glissant sur le papier, entreprit, crissant avec dextérité, de tracer le verbe de la voyageuse.

Puis le répertoire se tourna lentement vers le soldat.
Sur la feuille couleur crème figurait désormais une inscription manuscrite, à l’écriture étrange, malhabile, serrée, appuyée, et pourtant imperceptiblement calligraphiée.

« Mesdemoiselles, Messieurs, daygnez tout d’abord agréer les plus distinguées salutations de Montjoie Saint-Denis, humble voyageur, pour vous servir.
Mon désir le plus ardent serait que vous me conduisiez au commandant supresme de votre noble organisation, afin que je puisse lui présenter mon intention sincère de rejoindre vos rangs.
»

Dans le même temps, douceâtre, une odeur de confiance mielleuse se répandit à travers le couloir … Pourquoi mettre en doute les paroles de cet inconnu ? Aucune Pièce n’aurait la folle audace d’émettre une telle requête devant un groupe de guerrier aussi conséquent, après tout …

Derrière Montjoie, voyant que nulle denrée comestible ne se trouvait en ce lieu, Munin, la corneille blanche, émit un ricanement de dépit et s’envola à tire-d’aile vers des cieux plus intéressants.
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Athanase Eärfalas
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MessageSujet: Re: La fin du voyage   La fin du voyage Icon_minitimeVen 4 Mai 2007 - 22:08

Ce voyageur (ou cette voyageuse ?) se nommait donc Montjoie Saint-Denis ... Et elle souhaitait entrer à la Cross Guard ! C'était une bonne chose, elle semblait puissante ...

Oubliant l'angoisse qui l'enserrait quelques instants plus tôt -après tout c'était parfaitement ridicule d'avoir ce genre de réactions, sans raison valable qui plus est- Athanase répondit à la silencieuse apparition.


Je suis Athanase Eärfalas, le chef de la Cross Guard. Je serais ravi de vous accueillir dans nos rangs.


D'un geste, il invita Saint-Denis à s'avancer dans le hall.
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Hélène
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MessageSujet: Re: La fin du voyage   La fin du voyage Icon_minitimeSam 5 Mai 2007 - 23:01

La tension retomba brutalement sur l'état-majeur au complet des soldats de la Cross Guard lorsuqe le chef prononça ses paroles.

Hélène,qui avait suivi avec un air suspicieux chaque mouvement de l'être qui sentait vaguement le tournesol s'approcha de lui doucement.
Lorqu'il avait sorti son carnet, elle avait prié le Pavot pour qu'il ne sorte pas une arme, un ärm ou pire, un tournesol-rick-pouah... mais non, il avait écrit quelques mots et les avait tendu au chef...

Arrivé près de lui, toujours aussi inquiète, elle le salua d'un signe de tête.


Sers-tu le vil tournesol-ric-peu , Étranger ?

Elle avait prononcé ses mots sans ciller, sans béguayer, sans hoqueter, avec une voix que l'inquiétude de rencontrer un ennemi avait rendu plus franche que jamais.
Sa main droite était cachée dans som manteau, entre la fiole d'alcool à 120° et une Pêche magique, prête à intervenir quelque soit la réponse, quelque soit l'avis du chef et des autres soldats.
S'il servait le maléfiq', l'étranger ne connaîtrait pas de répit et elle le traquerait infatigablement.
"Il se pend ou se repent" Tel est le sort résevé depuis toujorus aux vil servants que le maléfique a asservi.
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Montjoie Saint-Denis
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MessageSujet: La fin et les moyens   La fin du voyage Icon_minitimeMer 9 Mai 2007 - 18:17

Un temps d’arrêt ; puis, de nouveau, le stylet de Saint-Denis courut sur le papier … Et l’immense être, qui volait à la nuit sa noirceur, et à la tombe son silence lugubre et prophétique … mit genou à terre, et s’inclina résolument devant celui qui, dorénavant, commandera ses assauts lors de batailles sanglantes.
« Je vous implore, Monsieur, de pardonner miséricordieusement mon entrée en ces lieux quelque peu … cavalière. A partir de ce jour, vos désirs seront considérés comme des ordres. »

* Ainsi, ce jeune homme à l’air timide se trouve être le chef de la Cross Guard … Qui l’aurait cru, sous son aspect chétif et effacé ? Sa seule force intérieure lui a permis de s’imposer parmi ses guerriers ; sera-ce suffisant contre la malignité démoniaque dont fait montre l’Echiquier ? *
Ce dernier mot résonna longtemps dans l’esprit de la nouvelle recrue, accompagnés d’un cortège de souvenirs de douleur, de malfaisance et de désespoir … Comme toujours. Ils n’avaient plus d’emprise sur le vagabond …
À force, il s’était habitué à leur présence obsédante.
Le fil de ses pensées se renoua sans accroc.

* En vérité, peu me chaut la puissance de ce damoiseau … seul m’importe le soutien de ses combattants : quel que soit le chemin que j’emprunte à présent, l’Echiquier … *
Le sang sur son visage, sur les cadavres encore chauds, sur le bec des corbeaux voraces qui fouraillent déjà dans les entrailles des Pions déchus, ignorant les derniers sursauts des mourants qu’ils achèvent …

* … cherra ; mais la présence d’autres justiciers accélérera cette chute. *

C’est alors que la fille alcoolique, qui suivait avec suspicion, depuis l’arrivée du spectre, le moindre mouvement de ses mains gantées, s’avança prudemment vers Montjoie, précautionneusement lente, comme prête à déguerpir à la moindre menace, et lui demanda d’une voix angoissée :
« Sers-tu le vil tournesol-ric-peu, Étranger ? »

Cette supplique adressée d’une voix calme, mais résolue, plongea sur-le-champ la voyageuse dans les affres de la perplexité.
La lendore n’était jamais parvenue à saisir totalement la nature exacte de cette anomalie sociale propre aux Hommes dont le nom était : « religion ». Tenter de discerner le vrai du faux là où ni le microscope ni la magie ne pouvaient pénétrer représentait à ses yeux une immense perte de temps : quelle que soit la « solution » aux problèmes de conscience que leur posait leur propre mortalité (qui ne troublaient jamais la réflexion de Saint-Denis), la vérification du bien sensé de la pensée obtenue se révélait systématiquement impossible ; elle ne méritait donc pas que l’on s’y attarde.
Les Hommes se persuadent toujours qu’ils sont perdus, ce qui explique de nombreux comportements infondés de leur part.
La soldate nouvellement nommée se persuadait toujours qu’elle savait précisément où elle se trouvait, ce qui expliquait de nombreux comportements infondés de sa part.

Elle avait beau retourner le concept dans tous les sens qu’il lui était possible de concevoir, elle ne parvenait pas à donner du sens aux paroles incongrues de la rouquine prosélyte. Comment était-il possible de servir un être qui n’avait jamais donné d’ordres, de par son absence manifeste d’organes permettant d’accomplir cette tâche ? Elle tourna légèrement sa lourde tête, afin de détailler la Sphinge qui imposait de tels paradoxes à sa raison sans faille …
Malgré un infime tremblement du à l’inquiétude et au dégoût, celle-ci, d’un point de vue mental, se montrait d’une résolution que d’aucuns auraient qualifiée d’inquiétante. Elle fixait l’être profane avec une fixité troublante ; sa main droite se tenait repliée dans son manteau maculé de taches d’alcool fort, comme si elle se préparait au besoin à dégainer une arme, voire un ärm, dans le cas regrettable mais envisageable où la réponse que lui donnerait son interlocutrice lui déplairait.
La créature masquée réfléchit avec soin : nul n’était besoin de se faire maintenant de nouveaux ennemis, surtout au sein même de ses nouveaux alliés.

* Le mot « tournesol », dans son estrange question, estoit précédé de l’adjectif « vil », péjorativement connoté, et suivi d’un indistinct borborygme évoquant une expectoration due à la révulsion … Ma répartie coule donc de source. *
Avec une lenteur prudente, Saint-Denis secoua solennellement l’encéphale de droite à gauche, puis en inversant le sens de rotation de sa figure, en un signe de dénégation aussi vieux que le monde.
Alea jacta est.
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Hélène
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MessageSujet: Re: La fin du voyage   La fin du voyage Icon_minitimeVen 11 Mai 2007 - 19:09

[rouquine prosélyte ?!? ]

Toujours aussi anxieuse, Hélène gardait ses yeux fixés, autant que son organisme et l'alcool le lui permettaient sur le nouvel arrivant à la tête encapuchonnée de ténèbres. Malgré l'abscence de visage qui lui aurait permis d'exprimer un tel sentiment (car il porte un masque), il semblait baigner dans l'incompréhension la plus totale.
Mais cela ne voulait rien dire : ceux qui servent le vil tournesol sans le savoir sont toutaussi dangeureux que els autres...
Enfin, il secoua sa tête de gauche à droite pour nier son appartenance à la secte maléfique.

Un sourire fendit le visage de la prêtresse et, la main que sous son vêtement cachée elle avait, elle la sort en brandissant son arme la plus fiable : une bouteille d'eau Contrex (r) !=^^
Alors, de son autre main, sous les yeux ébahis des autres militaires, elle sort une Pêche magique et transforme l'eau en vin, comme aux noces de Canaa.
Elle s'approcha vers l'inconnu avec un air réjoui.
Elle n'était plus très loin de lui lorsqu'elle eut un pulsion de recul.
Des souvenirs horribles lui revenaient à la mémoire, des souvenirs qu'elle pensait que l'alcool emporteraient, dont elle pensait que le Pavot la sauverait.
Les années d'initiation pour obtenir le droit de bénir au nom de la divinité, les années passées à travailler, à apprendre la physique, la chimie, la botanique et toutes sortes de choses que l'alcool finissait par emporter loin avec lui, dans les prés de blés et de Pavots, au royaume où vont les âmes des fidèles après une mort convenable (mort suite à un coma éthylique, au-delà de 8 grammes d'alcool pur par litre dans le sang). Les exercices pratiques de familiarisation avec les alcools, les Coq'licots, les tournesols-rick-peu...

Sans aucun doute, sous la masse de senteurs mélangées, il y avait un reste d'odeur de mal...
Le seul moyen d'être sûr de son appartenance ou non à la secte du vilain tournesol-aux-dents-acérées était de le bénir au nom de la divinité.

Elle s'approcha, avec détermination et un sourire large comme une bouteille, et entreprit de lui lancer de l'alcool sur l'épaule... gauche... enfin, peut-être, car n'avait-il pas trois... quatre épaules ? Elle arrêta son mouvement pour boire un coup, histoire de ne pas s'éloigner de la divinité toute puissante, de rester du bon côté de l'ivresse, pour ne pas en sentir les néfastes effets. Puis, impreturbable elle reprit son occupation de béné-diction.
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MessageSujet: Re: La fin du voyage   La fin du voyage Icon_minitimeDim 20 Mai 2007 - 22:31

Montjoie Saint-Denis avait l'air d'être prête à obéir sans discuter ... Nouveauté ô combien agréable ^^

Mais avant qu'Athanase aie le temps de réagir de quelque manière que ce soit, Hélène avait entrepris de bénir la nouvelle venue à sa manière, en lui versait du gros rouge qui tache sur la tête, enfin, en essayant du moins, car la nouvelle soldate était bien plus grande qu'elle ...


* Bon sang, mais que suis-je venu faire dans cette galère ??? *

La poivrote cessa ses efforts pour boire un coup, et Athanase la tira alors par le bras.

Hélène, tu l'as assez béni comme ça je crois.


Il la poussa gentiment vers les chambres, et dès qu'elle se fut un peu éloignée, il se tourna vers Montjoie.


Je vous prie de l'excuser, elle sert une divinité étrange et salue tous les nouveaux arrivants en les "bénissant" de cette manière.
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Montjoie Saint-Denis
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MessageSujet: Bénit dans la douleur.   La fin du voyage Icon_minitimeVen 29 Juin 2007 - 16:52

La bacchante eut un sourire jovial, et la légère tension qui s’était installée entre Montjoie et la soldate soûle s’évanouit rapidement, à l’instar de la brume matinale qui, parfois, s’étend sur les campagnes. Visiblement, l’aspirante guerrière s’était tirée d’embûche, en glissant, comme si souvent au cours de ses errances, le bon mensonge dans les bonnes oreilles.
La membre de la Cross Guard eut alors une réaction étrange, déplacée : tirant de son large vêtement, d’une main ce qui ressemblait fort à une bouteille d’eau, et de l’autre un noyau de pêche, luisant, aux yeux du magicien, d’une discrète lueur magique indiquant son véritable statut d’ärm, elle activa prestement celui-ci. Une infime explosion de magie libérée se produisit dans le flacon, tandis que son contenu virait au rouge rosé. Alors, la soldate s’avança, les yeux luisants, l’air extatique, d’un pas incertain mais décidé, vers la nouvelle recrue, qui se demanda, avec une infime, mais néanmoins réelle, angoisse, à quoi rimait la pantomime grotesque de son interlocutrice.
Durant un court instant, l’approche de la porteuse d’eau fut interrompue par une soudaine et absurde vague de répulsion, qui était due, mais Saint-Denis ne devrait s’en rendre compte que bien plus tard, quand elle connaîtra enfin, plus en détail, le dogme insolite du culte du Pavot, à la senteur étrange, évocatrice de tournesol, qui, éternellement, l’accompagnait ; puis, la gardienne reprit son lent mouvement, une détermination renouvelée brillant dans ses prunelles, un terrible sourire plaqué sur son visage.
Montjoie se força à ne pas bouger : son intérêt personnel, de même que sa curiosité purement intellectuelle, dépassait largement la vague impression de malaise que faisait naître chez elle les actes étranges de l’ivrogne euphorique, et la poussait à rester en ces lieux, aussi immobile qu’une statue de pierre.
L’infortunée nouvelle recrue ne s’attendait absolument pas à se faire arroser d’alcool par la buveuse.

Le liquide, sournoisement, se glissa sous les vêtements de Saint-Denis, s’infiltra dans les minuscules interstices laissés vacant, entre les innombrables, et dérisoires, protections dressées face au climat, traversa les tissus les plus perméables …
… atteignit la chair à vif de ses récentes balafres …

Ignorant l’incandescente douleur, Montjoie songea brièvement qu’elle aurait dû elle-même, et de son propre chef, désinfecter ses plaies depuis déjà quelques bonnes heures. Mais surtout, sa réflexion plongée dans une perplexité sans borne, elle essayait avec une infructueuse obstination de percer à jour les motivations démentielles de son bourreau grisé.
Habituellement, le vin se buvait, mais l’alimentation cutanée était inconnue des Humains …
… la tortionnaire arrêta provisoirement son œuvre cruelle, afin de se soûler, consciencieusement, avec application, puis revint à sa tâche monotone, horrible …
… une étonnante coutume voulait que le vainqueur de certaine épreuve sportive (mais laquelle ?...) soit ainsi arrosé de champagne, dans quelque symbolique obscure ; seulement, Saint-Denis ne se souvenait pas avoir gagné, ni même participé, à une telle action …
… on aurait dit que la bacchante ne répandait pas sa boisson au hasard, mais peut-être en suivant d’étranges et complexes figures géométriques … ou bien en essayant de viser un point précis, qu’elle ne pouvait atteindre de façon optimale étant donné son avancé état d’ivresse …

Derrière elle, Athanase grimaça ; nul n’était besoin des étonnants pouvoirs de perception émotionnelle de Montjoie pour deviner que le chef de la Cross Guard supportait mal les excentricités de ses subordonnés. Bien qu’il ne lui eut fallu qu’un mot pour arrêter là ces pitreries déplacées … Était-ce du laxisme, un manque d’autorité ?...
Le jeune homme aux cheveux gris décida alors d’agir, et, profitant d’un répit dans l’aspersion méthodique de l’ivrogne, lui saisit adroitement le poignet tenant la bouteille, pour l’éloigner de la nouvelle recrue au plus vite, et lui conseilla, d’un ton péremptoire :

« Hélène, tu l'as assez béni comme ça je crois. »
Saint-Denis, sur le coup, ne comprit pas ; mais tout s’éclaircit dans son esprit quand Athanase Eärfalas, ayant enfin réussi à, gentiment, renvoyer la jeune fille vers un large couloir, se tourna vers le masque.
« Je vous prie de l'excuser, elle sert une divinité étrange et salue tous les nouveaux arrivants en les "bénissant" de cette manière. »
La membre d’une secte dissidente … c’était donc ça …

Montjoie, comme à son habitude, prit le temps de réfléchir avant de répondre … et constata sur-le-champ que son inséparable carnet, qu’elle portait avec elle depuis déjà bien longtemps, intégralement imbibé d’alcool, s’avérait, pour le moment, tout à fait inutilisable.
Il s’en remettrait, bien sûr, il suffirait de le laisser sécher un certain temps ; mais son ténébreux possesseur, durant cette période, perdait l’usage de la parole, redevenant soudain ce qu’il avait toujours été : muet.

* Qu’à cela ne tienne … *
Saint-Denis, alors, fouilla avec application les multiples recoins de son manteau, et en extirpa précautionneusement un étrange artefact. Apparemment composé de quatre planches de bois blanc, d’environ vingt centimètres sur trente, et reliée entre elles par des sortes de gongs, l’usage qui lui était réservé d’obscur devint évident lorsque son détenteur, tirant d’une autre poche une plaque de métal, pourvue d’un trou circulaire en son exact centre, ainsi que d’une poignée décalée de côté, déplia l’assemblage, révélant un vaste panneau de bois peint, où se reconnaissait sans mal les vingt-six lettres de l’alphabet, ainsi que « Oui », « Non » et « Au revoir », malgré leur graphie quelque peu déformée.
Une planche de ouija, utilisé parfois par certain spirites pour entrer en contact avec les esprits de l’au-delà ; mais la plupart d’entre eux considèrent toutefois cette méthode d’invocation comme maléfique, car mettant à la disposition des démons un moyen astucieux de posséder un mortel.
Mais Montjoie ne s’en servait jamais pour parler aux morts, car elle ne considérait pas la chose comme possible ; elle se contentait de l’utiliser comme un moyen de communication fiable avec … les vivants.

La partie métallique, plaquée contre la planche de peuplier, se déplaça rapidement de lettre en lettre, effectuant à chaque fois une courte pose, afin de laisser le temps à un Athanase éberlué de bien visualiser le signe choisi, pour glisser à nouveau, vite et silencieusement, vers le prochain symbole.
Les yeux fixés sur la prêtresse, Montjoie avait « écrit » sans même regarder ses mouvements :

« POURRIEZ VOUS S IL VOUS PLAIT M EARFALAS M INDIQUER LA DIRECTION DE MES QUARTIER MERCI D AVANCE».
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