Le tract des Coalisés.

L’union fait la force, c’est bien connu. Même un orc peut périr sous une marée de gobelins. D’asphyxie, certes, mais n’empêche. Une armée est fatalement composée de soldats. Le recrutement est une étape primordiale dans toute guerre où un net avantage numérique peut se solder par une victoire. Après, la stratégie, les pièges … tout ça viendrait plus tard. Le nombre est primordial. Et ça, un expert quand il s’agissait de compter le savait bien.
Même s’il comptait habituellement les pièces, et non pas les alliés potentiels contre lesdites Pièces.

La silhouette solitaire se déplaçait en silence dans les couloirs de la forteresse. Elle pensait, sans doute à raison, que personne de sensé ne viendrait rôder gratuitement et pour le plaisir dans les corridors à minuit moins le quart. Ceux qui sont couchés le restent ; ceux qui veulent encore faire la fête continuent souvent à la faire jusqu’à trois heures du mat’, ou alors ils sont tellement bourrés et bruyant au retour qu’on les repère de loin (ce qui permet alors d’arrêter de rôder et de prendre l’air innocent de l’arbousier égaré de circonstance) ; ceux qui sont sortis fouiller dans les possessions personnelles des gens (et ils étaient nombreux dans ce château, ô que oui. Quel que soit la manière dont on voit une « possession strictement personnelle » ♥.) ne reviendront pas avant le matin.
Ceux qui restent à rôder dans les couloirs dans des buts inavouables sont généralement les seuls à pouvoir se croiser, mais ils sont rares. Surtout en combinaison ridicule de Soopy « le dragon préféré des enfants », avec capuche incorporée, pour ne pas risquer de se faire reconnaître.
Bien qu’on puisse douter de l’efficacité du procédé (Ah, un Soopy, c’est vert, pelucheux, avec une crête de tissus orange sur la tête. Qu’on se le dise.
).

La silhouette au déguisement débile réfléchissait. Elle était sensée participer tôt ou tard à une révolte contre un régime tyrannique : le règne de Diana, la Reine de l’Échiquier. Une entreprise périlleuse –d’aucuns diraient même « suicidaire »- qui nécessitait sans doute le maximum de recrue pour avoir la moindre petite chance de l’emporter. Sauf que le moindre traître annihilerait cette étincelle de victoire ; il convenait donc de choisir avec soin les recrues potentielles.

La silhouette s’arrêta devant une première chambre. La lumière était éteinte, la personne à l’intérieur était soit absente, soit endormie. Dans les deux cas, il était impossible qu’elle ait entendu arriver le menaçant Soopy : la combinaison aux allures de pyjama de bébé étouffait redoutablement bien le moindre bruit de pas qu’il aurait pu émettre.
D’après la pancarte accrochée à un crochet sur le devant de la porte, la chambre était occupée par un certain « Do not disturb ».
… ?!
Ou alors c’était plutôt à l’autre inscription, sur le côté, qu’il fallait se référer ; celui-ci proclamait :

Silverwing Miyu

La silhouette réfléchit … et puis non. La reine des voleurs ne méritait pas de s’opposer à celle de l’Échiquier. Elle était peut-être puissante, mais en tant que chef « officielle » (une telle légitimité est-elle normale pour ceux qui prospèrent dans l’illégalité ?) de la guilde, elle chercherait sans doute à protéger ses confères.
Pas à les envoyer à ce qui pouvait tout à fait tourner à une boucherie. Non seulement elle pourrait refuser de rejoindre la conspiration, mais elle pourrait aussi pousser les ((trop) rares) intrigants au pacifisme, peut-être même de force. Non, il ne fallait pas la contacter …

Soopy poursuivit sa route, et parvint à la chambre suivante. La sienne.
La silhouette pesa pendant quelques instant le pour et le contre de sa propre admission au sein du groupe … Puis décida qu’il verrait probablement qu’il était dans son propre intérêt de se joindre aux opposants de l’Échiquier.
Sauf s’il était vraiment trop débile … mais sans doute pas au point de se trahir lui-même, non ?
Soopy fouilla dans sa poche ventrale, et en ressortit ce qui ressemblait bien à une carte de visite.

Le coin en haut à droite portait le dessein d’une abomination velue et tentaculaire qui n’aurait jamais dû sortir du cerveau de Lovecraft, et qui évoquait le croisement contre-nature d’un calamar et d’une marmotte –ou d’une paire de gants et d’un abat-jour, selon le sens dans lequel on regardait.
Le reste demandait :
« Marre de vous faire tondre par les pillards de l’Échiquier ? Envie de détrousser des villageois heureux et prospères plutôt que des citoyens terrifiés et sans le sou ? Ou tout simplement envie de ramener un peu de justice et de paix en ce monde ?
Vous nous intéressez !!! Rejoignez les Rebelles (nom provisoire) et saisissez la chance d’améliorer le monde !!! »
Et au dos, on avait :
« Inscrivez ici votre nom et votre signature :


[ici figurait une date illisible] : réunion à la taverne de la Poupée de Cire, à Lestower ; montrez cette carte au tavernier, il vous indiquera ce que vous devez faire. »

Soopy glissa discrètement la carte sous la porte, et repartit dans son errance.
Il se perdit trois fois avant de retrouver une chambre.
La sienne. Il était retourné sur ses pas afin de se munir d’une carte des lieux, d’une liste des occupant de Luberia et d’un crayon, sous le prétexte qu’errer lamentablement de pièces en pièces pendant des heures sans retrouver de chambre de Ghazbans qui ne feraient peut-être même pas partie du groupe risquait de lui coûter sa nuit ; et s’il perdait cette nuit, il serait forcé d’en prendre une autre sur ses loisirs, et celui ne lui plaisait guère comme perspective future.
Il entreprit donc de choisir ceux qu’il mettrait dans la confidence AVANT d’aller vers eux, calmement, installé à l’abri et confortablement dans sa chambre.
Il biffa son propre nom et celui de la Reine des voleurs, et lut silencieusement le premier.

[… ellipse narrative powaaaaaa (profitez de cette note, vous ne la verrez peut-être que dans ce post si typique au Joker =.=’) …]

Les effectifs des voleurs étaient étonnamment peu nombreux.
Myrlia s’était mystérieusement évaporée dans la nature durant la première manche du tournoi, avant même que le Joker puisse taper un minimum sur cette sale petite peste ; de quoi presque la regretter.
Les autres se divisaient en deux catégories : ceux avec lequel « on le sentait bien » et ceux avec lequel « on le sentait pas ».

Les éliminés l’avaient été sur différents critères : Abysse avait détruit la chambre de sa voisine (Myrlia : Soopy eut un sourire en imaginant la tête qu’elle avait du se tirer quand l’eau avait envahi son antre féline) et risquait de même de faire foirer une entreprise sérieuse, du fait de son amateurisme. Il émanait de Philibert, dit Phil, une aura de désespoir et de mort, et des évènements bizarres auraient eut lieu en sa présence ; il mettait mal à l’aise et semblait psychologiquement fragile. Quant à Wailani … le conspirateur ne l’avait pas encore rencontré (la forteresse de Luberia est vaste), mais en avait entendu parler comme d’un débile congénital à moitié timbré, ce qui ne rendait pas sa candidature très attrayante.
À l’inverse, il était évident que l’Asset serait de la partie. La silhouette solitaire de Soopy, dans sa chambre, eut un sourire mélancolique en repensant à leurs déboires de jeunesse … si loin, à présent … mais plus pour longtemps : ils étaient de nouveaux réunis, et cette fois, rien ne viendrait les séparer de leur objectif peu légal. Les jumeaux Cricket étaient de retour, et cette fois, nul Échiquier ne pourrait se mettre sur leur chemin …
Ce qui ne faisait qu’une personne vraiment fiable : les autres sélectionnés ne l’étaient donc que parce qu’ils ne paraissaient pas complètement irresponsables, en tout cas pas au point de les trahir pour la Reine (qui les remercieraient en faisant raser la forteresse, à coup sûr), et qu’ils pouvaient s’avérer compétents.

Et c’est ainsi que des cartes de visite de l’énigmatique groupe, connu vaguement sous le nom de « Rebelles », et seulement parmi les initiés, furent retrouvées le lendemain matin dans les chambres de l’Asset, d’un Joker, d’un ( ?!) Pêcheur, de Nathan, de Pandore et de Sarah …

Tout ceci était l’œuvre d’un serviteur méconnu du dieu Devon …
Le Joker, toujours à Son service …




























Pour le moment.