Come watch the show tonight.

La boutique du Joker avait changé. [Je le sens dans mes … ailleuh ! (ndt traumatisé que l’auteur vient de frapper pour les conneries qu’il raconte)]
Beaucoup de personnes y ont transité, soit pour acheter un ärm, soit pour trouver le Joker, soit pour visiter ce qui se rapprochait le plus d’une attraction touristique après le Damier (les touristes reviennent en disant « J’ai fu Herr Jokerh dans la boutikhe cachée où il fifait ! Il était bien aussi afarhe qu’on le dit ! Il m’a fendu un jeune homme aux chefeux fiolets à un prix exorhbitant ! »), soit parce qu’elles étaient tout bonnement le Joker. Mais vous n’avez peut-être pas pris la peine de lire tous les messages à ce sujet, vous contentant de rumeurs plus ou moins fantaisistes ; sans compter que seul le Joker pourrait prétendre connaître la bâtisse dans sa totalité. Donc, juste pour être sûr, livrons nous une fois de plus et avec enthousiasme au jeu de la description la plus longue.
La boutique est un bâtiment carré, petit et trapu, qui se terre entre deux maisons plus grandes dans un quartier miteux de Ragenrave. Elle a donc développé un camouflage naturel contre les prédateurs, en restant immobile et en se fondant dans son environnement de vitres crasseuses et de portes retapées à l’arrache afin d’échapper à leur attention ; manque de bol, lesdits prédateurs repèrent aisément les Ombres à l’odeur. Et pis aussi grâce à l’enseigne à moitié effacée quoi proclame en énorme « les Ombres », avec en plus petit en dessous « le coin où faire affaire pour les jeunes magos !!!! ♥ » (avec un petit cœur parfaitement superflu), juste au-dessus d’une vitrine transparente permettant d’admirer les ärms les plus photogéniques du Joker.
C’est toujours le cas.
Juste derrière la vitrine, une unique salle de vente permet aux clients de regarder les ärms qu’ils ne vont pas acheter, en attendant debout de se faire arnaquer. Pour remplir cet office avec le maximum d’efficacité, la salle est pourvue de tabourets où il est impossible de s’asseoir, et plus encore d’y monter pour atteindre le haut des étagères qui, bondées d’ärms, de caisses d’ärms et de boîtes d’ärms, permettent théoriquement de classer les ärms et au client d’étudier la marchandise d’un peu plus près. Sur le papier, ça sonne bien, mais en fait, l’organisation du Joker étant ce qu’elle est, impossible de connaître le pouvoir d’un ärm sans le tester, ce qui n’est bien sûr possible qu’après l’avoir acheté. Le vendeur s’y retrouve en revanche avec une facilité déconcertante. Des araignées mutantes règnent sur le plafond, et servent occasionnellement de cobayes pour le test des ärms.
Pour information, les ärms qui se trouvent –toujours- sur les étagères sont pour la plupart des prises du Joker dans d’autres villes –on est voleur ou on ne l’est pas-, dont certaines appartenant anciennement à des clients (ce qui donne parfois lieu à des scènes amusantes …). Certains ärms ont même été acheté : pour répondre à des demandes précises, le Joker s’adresse à son petit réseau de forgeurs d’ärms, qui acceptent volontiers de lui rendre service à condition qu’il ne remette jamais les pieds chez eux, qu’il arrête de draguer leur fils, qu’il les paye … L’un d’eux sert même son commanditaire par simple amour de « l’art » -mais, entre nous, ce n’est pas le plus recommandable …
En face de la porte d’entrée se trouve un petit comptoir derrière lequel se replie le Joker pour esquiver les coups des clients mécontents. En dehors de ça, son rôle semble assez limité puisque le Joker n’y entrepose pas d’argent (il se sert de son manteau) et n’y a jamais mis de machine bizarre à calculer (il fait les calculs de tête, en arrondissant habituellement au supérieur). Ah, il sert aussi à resserrer le passage vers l’arrière-boutique, et oblige donc le Joker à passer par l’endroit où Tokun aime à se dégourdir les jambes quand elle ne s’assied pas sur le meuble (qui, mon Dieu, est en fait très utile …).
Là encore, aucune différence avec d’habitude.
L’arrière-boutique est l’endroit où le Joker entrepose ses nouvelles prises : elle est exactement identique à la boutique proprement dite, mais sans les meubles et avec plus de caisses, de boîtes et d’ärms non-testés. Faute d’étagères, ces contenants s’empilent les uns sur les autres en équilibre précaire, prêts à s’écrouler sur l’explorateur imprudent.
Le petit couloir entre la boutique et l’arrière-boutique laisse l’accès à un escalier grinçant et étroit menant directement au toit, via une trappe.
Quasiment plat, celui-ci est légèrement incliné pour laisser s’écouler la pluie, mais à peine. Les précipitations ne provoquent jamais l’écroulement de la bicoque, même la neige, grâce à la structure robuste de la bâtisse. C’est ici que le Joker teste ses ärms avant de les mettre en vente (ou pas …), en profitant de l’espace dégagé, et de la ligne de mire sur quiconque voudrait pester contre les lumières et bruits étranges qu’il émet. Les gens du coin, toutefois, sont habitués, et peuvent dormir même quand un Guardian les survole en hurlant.
Le reste, à la réflexion, ne vaut pas le coup qu’on le décrive. Et pour cause.
Je vous avais annoncé au début de ce post que la boutique avait changé, hein ? Et bien que je vous explique : ce qui a changé, ce n’est pas que les meubles ne soient plus là. Les ärms aussi sont toujours présents. Aucun client n’est là, mais ça peut arriver ; sauf que cette fois-ci, ni le Joker, ni Tokun, sa poupée domestique qu’il ne garde que par pur masochisme, ne sont là.
Ils ont peut-être une excellente raison pour cela. Le fait que la boutique soit en flammes, par exemple.

La lumière se voyait de loin, c’était un phare qui guidait les amateurs de ruines et de cendres vers leur but.
À quelques mètres de là, un solide sac de cuir couinant agité de soubresauts posé à ses pieds, le Joker contemplait le sinistre.
« C’est si beau, mon Dieu … Si beau … »
Des larmes coulaient sur ses joues. Ce n’étaient plus les siennes.
Les larmes étaient à lui, mais plus les joues. Non, plus les joues.

Il avait une torche à la main.