La lumière de Rigel (avec Athanase ^^)

Athanase arriva sur le terrain d’entraînement, à moitié perdu dans ses pensées. En l’occurrence, il se demandait une fois de plus s’il serait à la hauteur de ce que l’on attendait de lui. À la fois en général, en tant que chef de la Cross, et ici en particulier : n’allait-il pas décevoir Rigel par son niveau de combattant médiocre ? Une légère mélancolie transparaissait dans ses yeux gris, tandis qu’il balayait le terrain du regard … Avant de remarquer la jeune fille, recroquevillée dans un coin.

Toute émotion disparut de ses yeux. Non pas qu’il veuille se montrer froid avec elle, au contraire c’était quelqu’un qu’il appréciait. Mais … Il avait inconsciemment pris la décision de garder ses émotions par devers lui. Pourquoi ? Peut-être en pensant se protéger? Ou même protéger les autres ? Qui sait …

Il s’approcha d’un pas vif de la jeune fille qui l’attendait. Elle semblait examiner son ärm … Il laissa le sable crisser sous ses pas, ne voulant pas la surprendre. Il hésita une fraction de seconde, mais se reprit bien vite, avant que sa timidité ne transparaisse.

« Bonjour Rigel. J’espère que cela ne fait pas trop longtemps que vous … »

Il s’interrompit brutalement, butant sur le tutoiement. Durant un très court instant une mince lueur de … peur ? apparut dans son regard, mais il la dissimula bien vite et reprit :

« … que tu m’attends. »

Je me releva aussitôt, lorsque j'entendis ses pas frapper le sol du terrain. J'épousseta de mon manteau couvert de sable à l'endroit où je m'était assise et le regarda en souriant.

"Non non, je viens juste d'arriver."

Ce n'était pas vrai, en fait j'étais arrivée en avance pour ne pas qu'il m'attende. Non, en fait je trépignais d'exitation et je ne pouvais pas attendre plus longtemps au chaud à l'intérieur.

J'avais envi de le voir.
J'avais envi de comprendre les secrets de mon ärm.

Mes deux désirs concordaient.

"Euh... Athanase ? Comment tu utilises un ärm ? Tout le monde me dit que c'est bête comme chou, mais moi je n'y arrive pas..."

Mon coeur battait à présent à un rythme plus régulier. J'arrivai à me consentrer sur autre chose que sur les yeux d'Athanase.

J'avais envie de comprendre, j'avais envie de me battre, et je tenais enfin cette occasion.

« Comment utiliser un ärm ? Et bien … Cela fait longtemps que je n’y avais plus réfléchi … »

Il était assez surpris que la jeune fille ne sache pas du tout se servir d’un ärm. Il pensait en effet qu’elle ne maîtrisait pas celui qu’elle possédait, tout en ayant déjà un peu d’expérience, mais apparemment non. Il ne laissa rien paraître, tentant seulement de se remémorer la façon dont il avait appris à activer Tinúviel. Étrangement il lui était impossible de retrouver le souvenir de qui lui avait appris, mais les mots revenaient.

« Perçois-tu la magie en toi ? Cette énergie étrange qui nous fait ressentir la grandeur du monde ? Tu dois te concentrer dessus, apaiser tes pensées et la faire jaillir à travers toi, vers ton ärm. »

Il ferma les yeux, cherchant en lui ce calme dont il parlait.

« Moi je perçois ta magie. Elle est indisciplinée pour l’instant, mais j’y vois un grand potentiel. »

Il ne disait pas cela pour lui faire plaisir. Il pensait vraiment que si Rigel apprenait à maîtriser tout son potentiel elle deviendrait redoutable. Restait à lui apprendre.

Il tendit lentement le bras, arrêtant sa main à quelques millimètres de celle de Rigel, les yeux toujours clos.

« Sens-tu la magie ? Je la concentre dans ma main … »

Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas pratiqué un tel exercice, habitué à activer Tinúviel comme il respirait. Ralentir ainsi le processus n’était pas laborieux pour autant. Il le faisait avec aisance, accueillant au centre de son attention la sensation d’ordinaire écartée de la magie parcourant son corps. C’était agréable, presque hypnotique.

Il s’arracha à la transe qui le gagnait pour rouvrir les yeux et regarder Rigel. Comprenait-elle ce qu’il tentait de lui expliquer ? Ce n’était pas forcément évident à comprendre, la magie se vivant plus que se théorisant. Il avait peur de ne pas être à la hauteur, mais le flux d’énergie magique qui continuait d’irradier depuis sa main lui donnait une certaine forme d’assurance. Peut-être car en se concentrant sur ce qu’il faisait il chassait de son esprit tout ce qui le noyait d’ordinaire ? Pour une fois il était là, tout simplement ancré dans l’instant présent, détendu. Il était vraiment dans son élément.

Je buvais littéralement les paroles d'Athanase. Attentive comme jamais, je tentais de suivre son enseignement en activant mon ärm.

Le premier essais fut un échec. Il ne se passa rien. Le second aussi. Je n'étais pas assez calme.

Mais la troisième fois fut la bonne.

Le bijou dans ma main parcouru d'énergie pure, s'éclaira tout à coup d'une lueure blanche, magnifique.

Stupéfaite, j'intensifia mon flux de magie et la lumière se fit plus forte.

"Athanase, ça fait toujours ça ? C'est normal cette lumière ? Tu crois que c'est ça mon pouvoir ? Attend, je vais esseyer de la contrôler..."

Je ferma les yeux, même les paupières closes, la lumière dansait devant moi. Je réfléchit à une forme à lui donner, une plutôt simple pour commencer.

Je voulu crer une sorte de flamme, qui crépiterait dans ma paume, mais c'était encore trop difficile, et mon essais fit une autre apparence.
Quand j'ouvrit les yeux je la vit.
Une sorte de rayon, un faiseau lumineux assez large qui naissait dans ma main et s'enffuyait loin dans les airs.

"Incroyable... Tu as vu, ça éclaire les nuages..."

J'étais sciée.

Athanase était aussi surpris que Rigel. Il ne s’attendait pas vraiment à ce qu’elle active son ärm avec une telle facilité. Il se souvenait de façon très floue d’avoir eu pour sa part toutes les peines du monde à y arriver. Le premier pas en magie était de loin le plus difficile. L’aisance avec laquelle la jeune fille l’avait franchi promettait pour la suite.

Toute son attention était portée sur le flux lumineux qui émanait de l’ärm de Rigel. Il avait depuis longtemps cessé de concentrer sa propre magie, trop occupé à surveiller celle de la jeune fille. C’est à peine s’il l’entendit parler. Très vite, ébloui, il dut détourner le regard de cette lumière presque insoutenable. Il pencha la tête vers le sol et essaya de chasser de ses pupilles la large trace résiduelle qui zébrait sa vue d’un trait de ténèbres.

« Incroyable … » murmura-t-il, avant de réaliser qu’il ne faisait que répéter ce que Rigel elle-même avait dit quelques instants auparavant. « Je … Bravo. » fut tout ce qu’il parvint à dire.

Il voulut relever les yeux pour regarder la jeune fille en face, mais son ärm était toujours actif et il n’eut d’autre choix que de voiler son regard de sa main, clignant des paupières pour atténuer l’intensité du rayonnement.

« Félicitations Rigel. Je ne m’attendais pas à ce que vous … à ce que tu y arrives si vite. Tu es douée. »

Il esquissa un sourire, qui faillit s’effacer sur le champ et ne se maintint que forcé. En vérité, elle n’avait pas vraiment besoin de son aide, elle se débrouillait très bien toute seule … Cela ne le dérangeait absolument pas, il espérait seulement qu’elle ne lui en voudrait pas de ne pas pouvoir l’aider à progresser. Son masque d’impassibilité, abattu par la magie qu’il avait déployé, revint doucement se poser sur ses traits, voilant à nouveau toute émotion.

Il me faisait un compliment, il venait de me faire un compliment. Je venais de recevoir un compliment d'Athanase, c'était trop de bonheur pour moi.
J'étais rouge et je souriais bêtement. Le pire c'est que je le savais et que je ne pouvais rien faire pour avoir l'air moins cruche.

"Non c'est pas vrai, je ne suis pas dou..."

Une seconde, s'il me faisait un compliment, pourquoi est-ce que je ne l'acceptais pas ?

"Tu… tu penses vraiment ce que tu dis ?"

Je levai les yeux vers lui et je me rendis compte qu’il avait à nouveau cet air impassible qu’il se donnait en permanence et que je n’aimais pas.

Athanase, pourquoi caches tu ton cœur ?

Soit c’était ça, soit il ne pensait pas un mot de ce qu’il disait. Les deux solutions me faisaient mal. Quand j’y repense, je n’ai jamais vu Athanase détendu, ni avec moi ni avec personne d’autre d’ailleurs. C’est triste. J’aimerai bien qu’il se lâche un peu, qu’il prenne un peu confiance en lui et ose se confier un peu.

Je le vois comme au premier jour, ce poids que tu portes sur ton dos.

Quand est-ce qu’il osera parler de ce qui lui fait mal ? Quand est-ce qu’il osera aller vers les autres.

Ce jour là il aura de vrais amis. Je le sais, je le vois. Il est quelqu’un de merveilleux, mais d’incroyablement seul. Athanase mérite d’avoir des amis sur lesquels il peut compter.

Ce jour là je lui dirais ce que je ressens pour lui, mais pas avant. Parce que je sais qu’il ne l’acceptera pas, parce que je sais que ça le gênera et ça lui fera mal.

Et moi je n’ai pas envie de le blesser plus qu’il ne l’est déjà.

Je fis baisser l’intensité de la lumière émise par mon ärm pour qu’elle soit moins éblouissante. A présent mon pendentif argenté ne diffusait d’une douce lueur blanche, comparable à la flamme d’une bougie.

"Il faut que je trouve des utilisations de ce pouvoir en combat. Sinon je ne pourrais jamais me battre à vos côtés et je ne resterai qu’un boulet pour la Cross, et ça je ne le supporterai pas."

Ébloui par la bannière étoilée, Athanase ne perçut pas la réaction de Rigel ; il ne vit ni son sourire ni sa rougeur. Tout ce qu’il pouvait entrevoir était la silhouette, floutée par la lumière, de la jeune fille. À sa voix, elle semblait à la fois euphorique et … étrangement réticente ? Elle doutait de ses capacités, doutait de la sincérité du compliment. Pourtant, pourquoi complimenter quelqu’un si l’on n’est pas sincère ? Athanase ne mentait jamais que pour protéger quelqu’un, mais cela elle l’ignorait, qui d’ailleurs ici connaissait vraiment le jeune homme ? Il était à nouveau aussi neutre que possible, laissant ses pensées courir sous la surface sans jamais émerger, mais ne pouvant laisser Rigel croire qu’il la flattait …

« Bien sûr que je le pense. Pourquoi le dirais-je sinon ? »

Il se dissimulait autant qu’il le pouvait, mais restait d’une sincérité à toute épreuve. Ses yeux ne le trahissaient plus, sa voix ne disait rien de plus que le sens de ses mots, mais rien que cela était déjà révélateur.

Il ne releva pas les dernières paroles de Rigel. Que répondre à cela ? Il pouvait comprendre cette volonté de ne pas devenir un poids mort, et d’un autre côté il savait déjà qu’avec un pouvoir comme le sien la jeune fille ne pourrait pas être un "boulet" comme elle le disait.

La lumière était à présent moins intense. Elle avait déjà un bon contrôle de son ärm. Athanase pouvait maintenant la regarder en face, mais si la main qui occultait auparavant la lumière était redescendue il ne dirigeait pas pour autant son regard vers Rigel. La tête légèrement penchée vers le sable de la cour, il était perdu dans ses pensées, sérieux comme la glace, faisant part de ses idées à Rigel au fur et à mesure qu’elles lui venaient.

« Cet ärm possède un grand potentiel … De plus, vous le contrôlez admirablement bien, pour un premier essai. »

Sans qu’il ne s’en rende compte, ses doigts vinrent jouer avec la chaîne de Tinúviel, qui entourait son poignet gauche.

« Sans chercher compliqué, vous pouvez déjà éblouir facilement vos adversaires, et en profiter pour frapper. »

Il marqua une pose, réfléchissant encore, puis finit par lever les yeux vers Rigel.

« Il y a sans doute d’autres choses à faire avec cet ärm, mais je crois que pour les découvrir il n’y a d’autre choix que de le tester encore et encore. Dans tous les cas, je crains que vous ne deviez vous entraîner durement. »

Il eut de nouveau une hésitation.

« Savez-vous vous battre, Rigel ? »

Il me vouvoyait encore. Je ne le lui fis pas remarquer, mais ne pus m'empêcher de laisser échapper un soupir de tristesse. Cherchait-il à me faire comprendre qu’il voulait que reste à distance ? Je ne sais pas, je ne sais jamais. Et pourtant j’imagine toujours les pires scénarios.

"Oui évidemment, mais jamais avec un ärm. Mais je peux toujours esseyer."

J’avais un peu peur, c’était la première fois que je me battais de cette façon. Mais si c’était avec lui, je me sentais en sécurité. Je savais qu’il ne me ferait pas de mal. Etrangement j’avais confiance en lui.

Je me reculai de quelques pas mais n’osa pas désactiver mon ärm, j’avais peur de ne pas savoir le refaire fonctionner après. J’étais en train de réfléchir à ce que j’allais faire, quand je me rendis compte que j’ignorais quel était l’ärm d’Athanase. Je supposais qu’il s’agissait de cette chaîne à son poignet qu’il tripotait en continu, mais je ne l’avais jamais vu sous sa forme véritable.
Que faire contre un ennemi inconnu ? J’allai lui demander d’activer son ärm avant de se battre, mais je ne le fis pas. Les adversaires que je rencontrerai à l’avenir ne me feraient pas cette faveur. J’allais devoir apprendre ainsi.

Attendre et observer, c’est tout ce que je pouvais faire pour l’instant.

« C’est déjà beaucoup. On ne peut pas toujours avoir le dessus avec son ärm, surtout si l’on n’en possède qu’un ou si l’on n’est pas habitué à combattre avec. Savoir se battre sans magie peut parfois nous sauver … »

Tandis qu’il parlait, la jeune fille s’était reculée de quelques pas, apparemment prête à engager le combat.

« Si cela ne vous … »

Il buta à nouveau sur le pronom, réalisant d’un coup qu’il la vouvoyait depuis quelques minutes déjà.

« Euh, si cela ne te gêne pas … »

Non, décidément, cela restait forcé, tout sauf naturel.

« … j’aimerai d’abord voir de quoi tu es capable sans magie. » acheva-t-il comme il put.

Il désigna la cabane qui se dressait le long du mur de la cour.

« Il y a un peu de tout là dedans … Épées, lances … As-tu une préférence ? »

Euh... Il était sérieux là ?
Il voulait que l'on se batte ?
Pour de vrai ?

Je me sentis devenir de plus en plus rouge.

En vérité je ne m’attendais pas à cela. Je pensais qu'il agirait comme tout les autres, et en me voyant me présenter à lui, toute frêle et menue, il me dirait que ne pas faire d'effort. Tout le monde me traitait ainsi, comme une petite chose fragile, qui se casserait si on la serrait trop fort.

Peut être qu'il était le seul à penser différemment ?

Cette pensée me souleva le cœur avant de me faire replonger.
Evidemment que j'étais fragile, c'était une vérité. Alors ou il ne voulait pas le voir, ou il ne s'en rendait pas compte. Et dans ce cas ce n'était pas de la considération, mais de l'incontinence.

Je dégluti et l'écouta. Il me demanda d'aller fouiller dans la réserve d'arme et d'y trouver mon bonheur. Après tout c'était normal qu'il agisse ainsi, envers un militaire de la Cross Guard.

"Euh non je ne sais pas, je vais aller voir."

Visiblement gênée, je partie en direction de la cabane.
L'intérieur était rempli d'armes et de différentes choses. La plupart était pourvus de lame et je ne les choisi pas, de peur de me blesser ou de blesser l'autre.
Ce manque habituel de confiance en moi me conduit à choisir un grand bâton, tout simple. Je connaissais un peu cette arme car on m'avait vaguement appris à la manier autrefois. Je m'en saisi et quitta la réserve pour rejoindre Athanase.

"Ca va ça ? Tu compte te battre avec quoi ?"

[je sais pas si tu as vu, mais Lucia te réclame sur le topic « entraînement » ^^]

Rigel partit vers la cabane, et le jeune homme souffla un instant. Le regard de la jeune fille le mettait horriblement mal à l’aise ; il perdait tous ses moyens face à elle. Dès leur première rencontre, il avait eu du mal à ne pas baisser les yeux en sa présence. Il fallait bien avouer que cette rencontre ne s’était pas faite comme il l’aurait souhaité … Et tout n’avait fait qu’empirer. De maladresse en maladresse, il s’était enfoncé dans cette gêne de plus en plus profonde, et rien ne semblait pouvoir lui faire remonter cette pente douloureuse. Pourtant, Athanase aurait tant aimé être capable de parler à la jeune fille sans se mettre à bafouiller, pouvoir la regarder en face …

Peut-être … Serait-il encore temps ?...

Il se dirigea à son tour vers la cabane. Rigel en ressortit avant qu’il l’eut atteinte, un bâton à la main et un air hésitant sur le visage. Elle lui demanda si son choix convenait, et avec quelle arme il comptait se battre. Fermement décidé à ne pas fuir son regard, Athanase lui répondit d’une voix crispée, mais un peu moins balbutiante que d’ordinaire.

« Oui, pas de problème … Je vais prendre un bâton, moi aussi, comme ça nous serons à égalité ! »

Quelques instants plus tard, il ressortait de la réserve avec un bâton à la main. Il commençait à bien connaître la petite cabane, et savait où était rangée chaque arme. Il entraîna la jeune fille vers le centre de la cour, puis s’éloigna d’elle de quelques pas.

« En garde Rigel ! »

Divin, il n’y avait pas d’autre mot pour qualifier ce garçon.

Je le contemplais se battre, hypnotisée.
Athanase nageait dans son élément, et le voir aussi à l’aise me réchauffait le cœur.
Je sourit, le trouvant encore plus attirant qu’à l’habitude.

Il profita de cette inattention pour m’infliger un coup que je ne vis même pas.
En pleine tête.
Je tomba sur la sol et je vis noir. Je perdis conscience quelques secondes seulement puis retrouva à nouveau l’usage de mes sens.

Stupide. Une fois de plus je ne ressemblais à rien. Et toujours devant lui en plus.

Il fallait que je change ça.

"Ca va merci, j'ai pas fait attention..."

Idiote.

Le charme était brisé. Livide, Athanase aida Nobody à s'asseoir, mais l'empêcha de se relever immédiatement.

"Je … je suis désolé. Je ne voulais pas …" commença-t-il, visiblement perturbé. "Tu es sûre que ça va ?" ajouta-t-il, plongeant son regard empli d'inquiétude dans les yeux de la jeune fille.

Il ne comprenait pas ce qui avait pu se produire. Il faisait pourtant bien attention à ne pas lui porter de coup trop violent, à ne rien lui faire de plus grave qu'une ou deux ecchymoses ! Mais pourquoi avait-il visé la tête ? Quel idiot ! Il s'en voulait terriblement, et rien de ce que pourrait dire Rigel ne lui ôterait ce sentiment de culpabilité. Même si, en vérité, sa seule erreur avait été de surestimer les réflexes de son adversaire, et de ne pas avoir perçu cette légère hésitation, ce ralentissement de ses mouvements tandis qu'elle le regardait non pas pour surveiller ses attaques mais simplement pour le regarder. Bien entendu, il ne s'en était absolument pas rendu compte.

J'avais tout cassé, pauvre idiote que je suis.

"Non ne t'inquiète pas, ça va. C'est de ma faute, ne t'excuse pas..."

Encore un peu sonnée je le laissa m'assoir et s'occuper de moi. Je n'avais rien évidement, au pire j'aura un bleu demain sur la tempe mais rien d'alarmant.

Je ne sais pas si c'était dû au choc ou à cette impression bizarre que je ressentait, mais il me semble que je perdit un instant la raison.

Et ma main glissa lentement jusqu'à se loger contre contre la sienne. Quand je me rendit compte de ce que je faisais il était déjà trop tard, je sentait la chaleur de sa grande paume toute chaude contre ma peau. Cette chaleur, comme elle me faisait du bien, comme elle me consolait de tout les maux du monde.
Et comme ça me faisait du mal de regarder la vérité en face et de me dire qu'il ne tarderait pas à se dégager et à lâcher ma main.

Nobody a écrit:

la chaleur de sa grande paume toute chaude

Athanase a les mains plutôt petites et fines, et glacées en permanence ... Mais c'est vrai que tu pouvais pas savoir =p



Rigel semblait aller bien. Athanase n'était pas encore complètement rassuré, mais il éprouvait tout de même un certain soulagement ... Jusqu'au moment où elle glissa sa main dans la sienne.

Le jeune homme se crispa et esquissa un mouvement pour se dégager ... mais se figea. Rouge comme une pivoine, les yeux baissés, il venait de réaliser que son geste blesserait sans doute Rigel. Pour cacher sa gêne, il se releva tout en aidant la jeune fille à en faire autant.

Sa paume le brûlait.

Incapable de regarder Rigel en face, il desserra lentement les doigts. Leurs mains se séparèrent. Mais il sentait toujours le contact troublant de la peau de le jeune fille contre la sienne, et sa main ne retomba pas sur son côté ; elle resta comme figée, encore légèrement tendue, comme s'il ne réalisait pas lui-même qu'il avait lâché prise. Ses yeux baissés vinrent se poser sur cette main qui lui paraissait presque étrangère, scrutant chaque phalange, chaque détail, comme s'il cherchait une explication à la permanence de cette sensation, ce contact.

Athanase respirait profondément, mais cela n'avait rien d'un souffle détendu ; c'était tout le contraire, le souffle de celui qui fait un effort pour ne pas se noyer dans l'oxygène de l'air, le souffle de quelqu'un qui se concentre totalement sur sa respiration, peut-être pour tenter de la domestiquer, de la calmer, peut-être pour ne pas penser à autre chose ... Sa pâleur naturelle avait rendu les armes, admettant sa défaite dans son combat contre la rougeur de ses joues.

Le jeune homme était comme bloqué. Incapable de dire ou faire quoi que ce soit.

(Je pense que la main d’Athanase est quand même plus grande que celle d’une fille de 13 ans, même s’il a des petites mains pour un homme.)

Au secours.

En lui prenant la main j’avais eu l’impression de me jeter dans un abîme sans fond. Un puis obscure dont je ne reviendrais jamais. Oui c’était exactement ça. J’avais eu cette sensation de vide, de chute. Le sol s’était dérobé sous mes pieds et à présent je plongeais la tête la première. Sur quoi j’allais tomber, je n’en savais rien. J’y avais réfléchi énormément avant de sauter, pendant des jours et des jours j’avais scruté l’abîme profond en cherchant à voir ce qui se cachait dans ses ténèbres.
Et puis j’ai franchi ce pas qui me séparait du vide et j’ai laissé la loi de la gravité faire le reste.

Et à présent je crois avoir touché le fond.
La chute fût longue, mais l’atterrissage fût des plus brutal. Il avait relâché ma main, lentement. Il avait changé de couleur aussi. Son visage éternellement pâle était devenu écarlate. Mais le plus drôle c’était cette moue qu’il arborait, sans oser bouger, comme bloqué dans sa compréhension par ce que je venais de faire. Enfin, j’aurais surement trouvé ça drôle si je n’avais pas été dans cette désagréable situation.

Je baissais les yeux et la main retourna se glisser le long de mon corps, entre les plis de ma jupe. Là cette petite main impertinente était encore accessible pour un homme qui savait oser, mais sûrement pas pour quelqu’un comme Athanase.
Je devint rouge à mon tour, comme si mon sang avaient décidé de circuler à nouveau, mais seulement dans mes joues.
Qu’est ce que j’espérais donc de lui ? Qu’il me prenne à nouveaux la main ? Qu’il me serre contre lui ? Qu’il m’embrasse même ?

Mais à quoi penses-tu donc ma fille ? Jamais il ne ferait ça, et d’ailleurs pourquoi le ferait-il ?

Tout ça je le savais, mais pourtant je ne pouvais me résoudre à ne plus y penser.

Bon. Cela ne rimait à rien de rester planté là, en plein milieu du terrain d'entraînement, avec toutes les précautions du monde pour ne pas se regarder. C'était ridicule … Mais se sortir de cet embarras, de cet immobilité finalement presque confortable, car elle figeait chacun en quelque chose de connu, n'était pas aisé. La force de l'immobilisme est grande … Presque autant que celle de l'habitude.
Mais l'habitude peut être brisée, et tout prend alors un sens nouveau. Chaque geste, chaque détail semble empli de significations auparavant ignorées, mais à présent si évidentes. L'on voit enfin ce que l'on ne faisait que remarquer superficiellement. L'on entend les mots derrière les mots. Et à chaque seconde, l'on pense "pourquoi est-ce que j'agis ainsi ? Que veux-je en tirer ?".
Et tout comme l'habitude, l'immobilité se brise. Elle tombe alors en éclats épars, mais demeure telle un fantôme dans les précautions que l'on prend pour chaque infime mouvement.

Athanase brisa l'atmosphère figée et pesante qui empoisonnait l'air de la cour.

Il essaya de parler, mais sa voix restait paralysée. Il tenta d'aller vers elle, dire ou faire quelque chose comme pour se faire pardonner d'une faute qu'il ne comprenait pas. Mais il en était incapable.

Alors il fuit.

Il avait beau se maudire, et se trouver horrible, il ne s'arrêta pas. Il ne pouvait plus. Rigel demeura seule, debout sur le sable.