Le préärmtionneur de sieur Kerio. [pointe-toi !]

Steve se retourna et vida son sac sur le plateau. Les tréteaux frémirent sous l’avalanche de pièces détachées et de mécanismes inachevés. L’inventeur contempla le tas de boulons, ressorts et bras articulés d’un air ravi, puis y fit de la place d’un grand mouvement du bras gauche, flaquant la moitié des trouvailles par terre, pour poser au milieu de la table une petite pierre rouge. Il fit ensuite le tour dudit meuble improvisé en prenant à peine garde aux divers engins répandus sur le plancher. Arrivé à l’opposé diamétral de son point de vue précédent, son sourire s’élargit jusqu’aux oreilles lorsqu’il stoppa, avec un crissement sinistre provenant du petit engin à engrenages sur lequel il avait posé le pied. Achevant le bidule d’un coup de talon, le Geek Fou retroussa ses manches, sortit de sa poche un sandwich dégoulinant d’au moins trois mayonnaises de couleurs différentes –sans réfléchir à combien de siècles il y avait préalablement séjourné– et commença à réaliser des assemblages de fortune entre deux bouchées. Une fois les mains copieusement recouvertes à la fois de graisse à moteur et de graisse alimentaire, il voyait bien venir quelque idée plus travaillée. Il délaissa donc ses bricolages quelques instants pour pousser cette puissante réflexion.

La cagoule rabaissée et la visière relevée (c’est nettement plus pratique pour enfourner un jambon-fromage-thon-anchois), il prit son menton dans la main droite, maculant copieusement ses bajoues de sauces aux coloris exotiques, et adopta un ersatz loufoque de la position du penseur. Il jetait régulièrement des regards circonspects au minéral sommeillant sur l’établi, un morceau de silice blafarde obtenu de haute lutte sur les falaises de Pazurika. Bien que cette roche se décolorât assez vite peu après sa sortie de terre, la teinte de celle-ci avait peu faibli, Steve ayant promptement chiné quelque pot de pâte adhésive à prise rapide, dont il l’avait abondamment badigeonnée. La matière, incolore et d’une transparence quasi-parfaite, formait une mince gangue autour de la pierre : peu visible au premier regard, elle ne n’accordait néanmoins grâce à aucune équivoque au toucher et, bien sèche, tomberait en miettes au premier coup de maillet, libérant sa captive. Enfin, avantage non négligeable, elle s’avérait complètement hermétique pour ce qui est de l’appétit de la silice envers la magie résiduelle. Mieux valait en effet la conserver à jeun en attendant de découvrir un moyen de lui faire dégobiller sa substance. Le problème majeur étant que cette pierre –une des plus gloutonnes jamais recensées– ne lâchait pour ainsi dire jamais prise à moins de la fracasser à la masse. C’était plutôt une solution non destructrice qui conviendrait au Geek Fou.

L’élément qui l’avait intrigué, c’était que ce coup de masse ne tarissait nullement l’appétit des morceaux survivants. Après avoir passé à la meule à grain des petits éclats parfaitement blancs, donc repus à craquer, la poudre –rouge vive– obtenue en sortie après libération de l’énergie magique, avait repris sa teinte livide quelques minutes après le broyage. Ce ne serait donc pas la destruction du récipient qui libèrerait le contenu, les débris s’empressant ensuite de se remplir à nouveau. On ne pouvait donc imputer cet effet qu’à la simple pression instantanée exercée par l’outil. Fort intéressant.

Mais c’est à cet endroit précis du raisonnement que la théorie atteint ses limites. Il lui fallait savoir par expérience si la force minimale nécessaire à faire cracher sa magie à la pierre excédait ou non celle nécessaire à sa réduction en miettes. En d’autres termes si le truc pèterait avant ou après avoir gerbé. Et dans un vocabulaire plus rigoureux convenir par un procédé expérimental sous contrôle thermodynamique de l’exploitabilité réelle de la réaction. Cela dit, il aurait été insensé de risquer son morceau de silice blafarde pour vérifier cette hypothèse, fut-il de taille aussi insignifiante. Le Geek Fou n’avait guère que cette petite chose écarlate qui lui tenait dans le creux de la main pour parvenir à ses fins, la cuillerée de bris rocheux collectée aux pincettes micrométriques étant passée à l'emboutisseur lors des premières expériences, peu concluantes. Ce lui était un intolérable comble que de devoir être excessivement prudent dans la manipulation de son seul fragment viable.

Soudainement pris d’inspiration, il se leva, courut à un panneau mural, en détacha une lanière de cuir à boucle d’étranglement, d’ordinaire usitée pour les étarques contre bois. La bande était large comme un haricot vert (et encore, un haricot vert nain) mais prenait la couleur de la patate fraîchement déterrée. Il la boucla autour de l’ovoïde sanguin à serrer, tel un garrot sur un cœur expoitraillé dont on désire perdre le plus de contenu afin de la farcir postérieurement. Puis, forant une prise à la poinçonneuse rotative dans l’extrémité de la bandelette, il y inséra le crochet du treuil d’appartement arrimé à sa table à outils. Une fois l’autre extrémité de la lanière, celle qui enserrait le caillou, solidement calée et bridée à force armatures de fer contre le support, il actionna la manivelle. Le treuil se mit en branle, arquant à rompre la boucle de ceinture et broyant la pellicule de colle fine, qui tomba en brisures légères autour du petit minéral. Sur ce, Steve ramena Ivan à hauteur de ses pupilles et zooma à pleine puissance sur l’œuf de silice. La visibilité était excellente. La magie n’était donc plus absorbée faute de quoi Ivan ne lui rendrait aucun visuel valable. Excellent. Ne restait plus qu’à quantifier le débit magique, à chercher le serrage efficace, le meilleur angle de tension et à assurer un suivi de la dynamolyse afin de prévenir les perturbations tout en adaptant les paramètres précités à la situation exacte en temps réel, puis à minimiser le temps de réponse sans pour autant rendre le système trop nerveux. Bref, une horde de calculs barbants qui passeraient à la trappe dès lors que Steve appliquerait la transformée de Nawak’ à tout cet innommable fatras, en d’autres termes quand il obtiendrait sans peine des réglages de rêve au pur feeling.

C’est ça d’être un Geek. Cool

C'est non sans appréhension que le vieux duc soucieux était retourné à la boutique de son congénère de la Cross Guard.
Après tout, tout s'était bien passé la dernière fois, rien n'avait explosé près de son oreille, rien ne lui était tombé sur le crâne, et il était reparti en un seul morceau (quoique l'estomac un peu dérangé).

Mais plus encor que l'appréhension quant aux aléas de la boutique, l'idée de ce que le Geek Fou avait bien pu lui bricoler le tracassait encor plus.

Il s'arrêta devant la bâtisse et hésita à rentrer.
Il voulut taper à ce qu'il restait de porte, mais se ravisa et pénétra d'un pas assuré bien que boitillant à l'intérieur en criant.

"Salut !"

Il manqua de glisser et de s'étaler de tout son long en marchant dans un flaque visqueuse.

*Hum, il ne doit pas être loin ...*

Steve Jollmer retint sa grosse masse de fer plombé à mi-course : il lui avait semblé entendre du comptoir le grommellement salutatoire typique du semi-ours de la Cross Guard. Toupillant de trois quarts, il reconnut effectivement derrière ledit comptoir ce brave vieux grincheux de Kerio, présentement aux prises avec une latte de plancher refusant de relâcher l’ourlet de son futal décrépi. L’infatigable négociant s’empressa d’intervenir avant que son honoré client n’en vienne à rageusement exterminer son parquet à coups de bâton, vermoulu comme il l’était, ses occupants risquaient un aller simple express pour la cave. Et ladite cave, dans le genre sinistre, avait peu à envier à celle de la taverne de la Poupée de Cire. Autant en épargner la visite à un acheteur potentiel, sa crédibilité commerciale risquait d’en prendre un coup si on venait à l’accuser de nécromancie ou d'il ne savait quelles balivernes d’inquisiteur saisonnier.

L’endroit n’était pas à proprement parler hostile, du moins le Geek Fou ne s’étant jamais encore proclamé disciple de feu herr doktor Frankenstein, il n’avait à ce jour donné vie à aucune de ses créations. Un touriste égaré ne craignait donc pas de se voir poignarder par une glissière à billes facétieuse, mais pouvait parfaitement se faire sauter le haut du crâne sur le passage du gong d’un trébuchet à rotation complète, mis au point dans le cadre de la fabrication d’une horlogerie innovante, jugée au final trop volumineuse. Notez que ce mécanisme détient malgré ce défaut bien des mérites : Steve l’avait entreposé au sous-sol voilà quelques deux ans, et il conservait encore assez de vitesse pour fournir chaque semaine une pelletée de rats frais si on laissait un morceau de fromage odorant à proximité. Là non plus, une escouade de gros rongeurs écrabouillés et balancés contre les divers ameublements de la pièce n’était pas un spectacle des plus vendeurs.

Dégainant un pied de biche d’un fourreau mural, il empoigna la planche et la contraignit à libérer l’otage de force. Le morceau de bois céda avec un nuage de copeaux réprobateurs, puis grinça une dernière fois avant de se rabattre hargneusement. Son plancher lui donnant d’insatisfaction en insatisfaction depuis son arrivée en ces lieux, Steve était la semaine passée aller consulter un spécialiste, considérant qu’un peu d’expérience en la matière ne lui nuirait pas. C’était avant d’entendre le discours d’un vieil idiot soi-disant spécialiste ès revêtements en tous genres, dont les interminables bacchantes devaient cirer celui de sa mansarde plusieurs fois par jour. Le fossile avait soutenu après un bref interrogatoire qu’il n’était pas assez à l’écoute de son parquet, et que celui-ci exprimait par ces intempérances de comportement son mal-être profond. Bin voyons, étape suivante, création du Syndicat des Voliges Maltraitées ? Puis de conseiller une fréquence accrue d'élagages minutieux des échardes microscopiques jonchant les boisures, afin de favoriser la sérénité de l’ouvrage.

Steve avait affiché un air plus que sceptique, son agglomérat d’éléments de literie gobeline recyclés présentant des épines acérées qui n’avaient pas grand chose de micrométrique, et avait rétorqué à l'élucubré s’il ne devait pas non plus passer la tondeuse dans sa cuisine. Ce sur quoi il s’était vu rabâcher en accéléré l’intégralité du vocabulaire méprisant que lui-même adressait à la catégorie d’ignare ne trouvant pas mieux à déclarer à la fin d’une ode de présentation de sa dernière invention qu’un « et… à quoi ça sert ? » vaguement tiré du lit. Après s’être fait promettre, en quatorze argots de charpentiers par un vénérable marabout d’un coup écarlate et dressé sur un tabouret heptapode, tout un chapelet de malédictions couinées trop aiguës pour les rendre intelligibles, puis jurer que les termites vengeresses de la divinité locale réduiraient son grabat en bouillie d’avoine pendant son sommeil, il choisit lui-même de prendre la porte avant que ce conjurateur de nouvelle catégorie n’en vienne à invoquer les scies à bois galactiques.

Steve s’interrogeait intérieurement sur la manière dont un pareil dingo réussissait à se faire une clientèle. Il était vraiment des commerçants peu recommandables dans cette ville. Tout au moins, son propre fournisseur de pièces en bois diverses et variées, au demeurant parfaitement ignorant sur la question des problèmes de malfaisance d’un plancher, n’en restait pas moins un type aussi sociable qu'amène, qui livrait juste et dans les délais. Aussi sa commande du châssis d’origine prévu pour contenir le dispositif qu’il destinait au duc ici présent lui était elle posément parvenue de bon matin voilà une semaine. Chacun des mécanismes élaborés s’étant successivement révélés trop larges, trop hauts ou trop lourds pour leurs contenants respectifs, les châssis suivants arrivèrent tout aussi successivement dans sa boîte aux lettres pendant cette même semaine. Le quatrième boîtier s’étant miraculeusement révélé irréprochable à l’égard d’un serrage à balancier modifié une douzaine de fois entre la commande et la réception, la facture s’était ornée d’un point final la veille, au grand dam du livreur, qui ne dédaignait pas les pourboires en nature du Geek Fou. Si ce béjaune avait réellement su la proportion de taupicide dans la gnôle qu’il lui servait, peut-être eût-il préféré les mornes piécettes de cinq pyutas.

Le préactionneur de technologie dynamo-magique était désormais officiellement opérationnel après une concluante poignée d’ultimes essais en laboratoire ignifugé, et c’est avec grand enthousiasme que Steve Jollmer le posa bien en évidence sur son comptoir, luisant de mille feux après un vernissage rigoureux de l’atelier Grubert, le valeureux fournisseur.

« Voici donc. »

Et de sourire de toutes ses dents. Derrière son masque facial, comme de coutume.

Sujet: oui maitre Jeu 20 Mar 2008 - 0:25

[Et maintenant, je porte des robes... on en apprend tous les jours =____=

J'aimerais avoir quelques renseignements physiques sur le préärmtionneur sans quoi il me sera difficile d'éviter les abus de roleplay que nous abhorrons tous Evil or Very Mad

]

Sujet: Fort bien, fort bien... Jeu 20 Mar 2008 - 20:50

[Cela est corrigé, ô vieux crouton acariâtre, je te voyais pourtant bien en vénérable sorcier, l'effet bâton et chapeau biscornu, je pense.

Le truc a l'allure approximative d'un gros hochet en bois flanqué de charnières de façon à le rendre amovible. Avec une poignée cuir.]

Kerio recula instinctivement d'un pas lorsque le Geek déposa l'engin sur le comptoir. Il commençait à le connaître et savait bien que tout ce qui venait de lui et n'explosait pas devait être vivant, ou se manger. Et encore, il devait bien pouvoir trouver des choses qui faisaient les deux à la fois...
Mais rien d'extraordinaire ne se passa. L'instinct céda face à la curiosité de Kerio. Il avait hâte de voir de quoi était capable son nouveau gadget.
Il approcha doucement ses mains tremblantes d'émotion vers l'objet de bois et le tourna dans tous les sens afin de bien en cerner la forme et d'en apprécier le toucher.
De son autre main, il attrapa Pythagore et le posa à côté de l'engin.
Puis il se tourna vers son compagnon soldat.

Il tenta, sans succès, de plonger son regard pénétrant dans les yeux difformes de son interlocuteur.
Mais derrière sa combinaison et ses inventions explosives, il était aussi impénétrable qu'un chateau fort ou que les voies divines. Seule sa voix, qui semblait sortir des ténèbres, trahissait parfois une once d'émotion.
A chaque fois qu'il voyait le Geek penché sur une invention (c'est-à-dire presque à chaque fois qu'il le voyait), il avait une pensée pour un de ses amis. Un brave forgeron naturel et ärmique. Kerio lui devait son premier et inestimable ärm. Jamais il ne pourrait se débarrasser de cet ärm qui avait une bien trop grande valeur à ses petits yeux ternis par l'âge. Grâce à ce forgeron et à son oeuvre, Pythagore, un orphelin abandonné était devenu un homme apprécié, un homme puissant à qui l'on confie des décisions. Le petit Kirio Kun était devenu le duc Kerio.

Il se voyait dans les lunettes brillantes de Steve et ne put s'empêcher de se trouver rajeuni. Il ressemblait à un garçon devant un paquet cadeau qui lui est destiné mais qui n'est pas encore dans ses mains.

Vas y gamin, explique moi tout ! Comment ça marche, ton truc ?

Une risette béate resplendissait sur la figure fossilisée de l’antique duc. Sa passion pour tout ce qui touchait de près ou de loin aux ärms était désormais de notoriété publique, n’avait pu s’empêcher de constater Steve Jollmer. De même, plusieurs sources oculaires s’accordaient à affirmer que la découverte de l’un d’entres eux constituait pour le bon petit vieux une émotion comparable à la séance de déballage de Noël chez un enfant de cinq ans. Ses deux pupilles arides et austères en vinrent à pétiller au fond de leurs cratères écarquillés de bonheur, alors qu’il agitait fébrilement le gros hochet de bois. Il était vraisemblable que maître Kerio jubilait. Steve lui avait indiqué où les charnières permettaient d’ouvrir le mécanisme, et comment caler le fidèle Pythagore dans la cavité sphérique surplombant la poignée. Lorsque les mâchoires métalliques s’étaient refermées, les roues à aube mises en branle et le tout produit un délicieux vacarme de chute de pierres s’abattant sur un poulailler, le Geek revoyait l’expression vorace du duc fracassant son gros caillou d’ärm sur la table de la boutique. Que c’était bon de voir un client comblé, tel était le véritable et légitime bonheur de l’artisan.

Du moins si le bidule ne s’octroyait pas l’outrecuidance de tomber en rade à l’instant t, là, de suite, comme le machiavélisme inné de ses inventions raffolait tant à malmener son précaire équilibre mental. L’esprit de contradiction était une expression bien trop magnanime pour caractériser de stupides entités mécaniques se passant fort bien du plus petit soupçon d’entendement pour commettre leurs méfaits. Rien de tel pour briser l’enthousiasme d’un connaisseur qu’une déconvenue se calant judicieusement entre la phase de découverte et l’essai proprement dit. Il tenait la chose entre les mains, sa chose, son bébé adoré, ne le lâcherait pour rien au monde, et tiendrait son fabricant pour infanticide s’il avait le malheur n’en pas obtenir pleine satisfaction. Qu’est-ce que ça peut être émotif, ces croulants.

« Fort bien. La pierre est correctement vissée. Le déclic qui vient de vous parvenir signifie qu’elle est dorénavant asservie à votre ärm. Imposez un quart de tour gauche à la poignée : voilàààà, le taux d’assimilation silical est maintenant à son optimum. Vous noterez que vous pouvez le lire via le curseur sur la couronne graduée installée au faîte du manche. Voyez qu’elle est tricolore, outre les graduations, la zone rouge indique, comme en ce moment, un état d’absorption, où le système magivore est presque entièrement dédié à la charge de votre Pythagore. La partie verte, en revanche, est caractéristique d’une libération rapide de l’énergie résiduelle d’origine prodigieuse, via l’émulateur de propriétaire, pour leurrer le crédule ärm en lui faisant gober que c’est effectivement son détenteur qui lui intime d’user de son pouvoir : il acceptera ainsi docilement la puissance offerte. Enfin, la zone jaune comporte une part non négligeable d’émission comme de réception, et permet sans s’embarrasser d’estimations calculatoires d’enchaîner les activations de l’ärm à un rythme raisonnable. Consignez qu’il subsiste une petite tranche non colorée, qui correspond à la position de sécurité, dans laquelle le mécanisme est débrayé. À user pour y poser ou en retirer l’ärm, ainsi qu’en cas –ô improbable mais que le respect du client m’inflige de parer à- de défaillance, ou simplement en prévision d’une inactivité prolongée. »

Dans son incommensurable bonté, Steve Jollmer concéda deux interminables secondes à son auditoire afin de digérer le flux rédhibitoire d’information technique, puis réamorça sa tirade de plus belle, radieux d’avoir une occasion de plus de confondre un interlocuteur inattentif.

« Le serrage à balancier pour lequel vous avez opté lors de notre précédent entretien fonctionne en permanence par amplification des efforts transmis par vos principaux mouvements corporels. Il n’est certes pas absolument nécessaire d’incessamment danser la capucine pour lui fournir suffisamment de force, néanmoins demeurer immobile trop longtemps avec l’objet actif peut s’avérer néfaste au maintien du couple. Lequel couple s’ajuste mécaniquement au régime choisi par vous, au moyen de la poignée dont je viens de longuement disserter (si du moins il vous en reste un vague et lointain souvenir) Ceci dit, vous avez la possibilité d’accélérer le processus en secouant cet engin comme le gros maracas boursouflé qu’il est. Selon la position sélectionnée, cela permet, au choix et au moyen d’un système rotatif pesant allié à une triviale roue libre, d’emmagasiner en un rien de temps une grande quantité de magie (plage rouge), au risque de provoquer une décompression brusque atrophiant la densité atmosphérique (faut secouer bien fort, quand même) ; de déclencher un effet des plus retentissants (plage verte), la contrepartie étant inversement de diffuser une saturation susceptible de se condenser sans votre approbation, et de faire pleuvoir des pianos à queue (me demandez pas d’où vient cette affinité) ; de pissoyer allègrement son pouvoir comme une durite crevée (plage jaune), ce qui ne nuit pas à l’intégrité de l’environnement mais peut s’en ressentir sur la précision de l’ouvrage ; ou enfin de juste faire inutilement plus de bruit (plage grise) ce qui déconcentre ludiquement l’adversaire, et vous fait passer pour un élucubré imitant grossièrement un sachem iroquois, je vous le concède. »

Concluant d’un sourire en coin sa diatribe, le Geek Fou semblait espérer impatiemment la propagation de son hilarité. Vint hélas le moment fatidique au cours duquel lui parvint l’hypothèse de l’invisibilité totale d’une mimique enjouée derrière ce foutu masque. Se collant mentalement un brelan de baffes, il embraya sur la liste exhaustive des capacités géniales de l’ICBM (Injecteur Collecteur Boulotteur de Magie) et des gadgets idiots qu’il avait jugé fun d’y ajouter. À savoir un anneau chauffant pour empêcher la grippe du mécanisme en hiver, un filigrane argenté spécifiant « Do or do not. There is no try » lors d’une inclinaison de 31°04’27’’ avec l’astre solaire, un condensateur de circuit de puissance et un lutin fluorescent de poche, glapissant « Boustifaille à tribord ! » à chaque passage limitrophe d’une sandwicherie...

Kerio se laissa bercer encor un instant par les paroles du Geek qui semblait ne plus pouvoir s'arrêter.
S'il avait pu autrefois le comparer avec son ami, le brave forgeron, il s'en repentant. Son ami ne se lançait pas tout seul dans une conversation incompréhensible qui semblait n'avoir d'autre but que d'embrouiller l'auditeur, s'il ne partait pas en douce pendant qu'il reprenait sa respiration - en somme, il n'était pas geek - et lorsqu'il expliquait, il faisait en sorte d'être plus ou moins compris...
Kerio leva les bras, comme lorsqu'il voulait faire un discours (du temps où il en faisait).

Bon, je vais l'essayer, dis-moi si j'ai bien compris ! D'abord, je le secoue !

Il joint le geste à la parole, histoire d'avoir encor plus l'air d'un gamin. Le geste lui même fut accompagné de bruits de mécanismes geekesque qui lui donnait plus l'impression de se servir d'un maracas que d'un ärm

Maintenant, je choisis la position du curseur en faisant tourner la poignée... Rouge pour charger, verte pour décharger, jaune pour le combat, c'est bien ça ?

Evidemment, il avait totalement oublié la partie non colorée. Il se plaça donc sur la partie jaune.

Et là, normalement ça marche ?

Il se concentra un instant ... Il sentait l'énergie magique qui affluait vers le hochet étrange. Ses mains tremblaient un peu. La puissance d'antan revenait.

[excellent ! je vais me battre avec Nathan à armes égales : guitare contre piano à queue ^^ chiche !]

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