Place, maraud.

L’aube n’eut-elle seulement l’occasion de poindre que résonnait un poing énergique et fracassant contre les portes de Lestower. L’impitoyable tapage prouvant sa supériorité acoustique sur l’emprise martiale de la gueule de bois de la sentinelle, celle-ci, encore toute somnolente, descendit pesamment l’escalier branlant du chemin de ronde. Elle manqua au passage de se rompre l’échine sur une marche fendue et poussa un juron à l’adresse de tous les nobliaux suffisamment matinaux pour l’empêcher de cuver sa vinasse en paix. Le garde aurait volontiers fait poireauter ce parangon de chevalerie une heure ou deux, quitte à le laisser s’esquinter les phalanges sur l’huis jusqu’à l’os : il y avait peu de danger que la porte lui cède du terrain, mais le plus simple pour cet ivrogne paresseux était encore de le faire entrer de suite et de s’en retourner s’allonger sur son tonneau après. Il souleva donc la lourde barre de fer condamnant l’ouverture, la lâcha bruyamment sur le bas côté et entreprit d’ouvrir le battant.

Se présenta alors à lui l’imposant chevalier en armure étincelante qu’il avait aperçu depuis les créneaux, juché sur un mastodonte à crinière, large comme un bœuf de trait et plus haut qu’un homme au garrot, auquel on avait été forcé de confectionner une selle sur mesure. Le cavalier tira d’un coup sec sur les rênes, franchit la porte en cabrant sa monture et repartit au galop en direction du château, manquant de piétiner le peu consciencieux factionnaire, qui était sur le point de s’assoupir à nouveau quand le fracas des sabots dans la boue l’aspergea de pied en cap. Il aboya un nouveau juron où il était question de pratiques sexuelles peu morales entre l’équidé et son maître, puis reprit le chemin de son hamac, sans se soucier le moins du monde de laisser ainsi la porte grande ouverte.

Le puissant destrier foulait à vive allure les rues crasseuses de Lestower, soulevant un épais nuage de poussière sablonneuse à sa suite, suffoquant les infortunés citadins qui eurent la mauvaise idée de passer leur tête par la fenêtre. Lorsqu’un mendiant présomptueux crut bon de tendre sa paume suppliante à l’adresse du cavalier, il ne reçut pour toute miséricorde que l’impact du sabot qui aplatit l’avant bras en travers du chemin, suivi d’un grand coup de botte qui l’expédia se tordre de douleur dans un fossé, recroquevillé sur son membre broyé. Robert fulminait. Ce troufion sentait la piquette à plein nez. À Ventrefosse, il l’aurait fait fouetter. Ici, il devrait tolérer les insubordinations de ces gueux jusqu’à obtenir de la reine le droit de châtier ces incapables. Ce qui prendrait un temps certain. Le jeune homme n’était pas dupe : il y avait là-bas moult courtisans aussi sournois qu’ambitieux qui affectionneraient de lui mettre des bâtons dans les roues pour le discréditer auprès de Sa Majesté. Et même en se taillant un boulevard hiérarchique dans ces faquins à la force de l’épée, monter en grade ne serait pas une gageure.

Son père l’avait longuement mis en garde : l’Échiquier était un véritable havre pour les fous dangereux, les bandits sanguinaires et autres psychopathes de tout poil. Mais le pire, ce qui se faisait de plus inquiétant et de plus perfide parmi cette vermine, c’étaient sans aucun doute les masses d’intrigants de l’ombre. Des créatures sans foi ni loi qui n’avaient nécessairement ni puissance ni capacités à leur actif, mais qui tissaient inlassablement complots et magouilles à l’insu de tous. Des associations de malfaiteurs sous la protection d’une reine qu’ils ne servaient pas toujours. Son principal objectif serait de traquer et d’exterminer cette engeance. Le gain en serait double : en tant qu’allié loyal et partageant les intérêts de l’Échiquier, la maison Begarion tirait bénéfice de la plupart des opérations de sa souveraine, débarrasser celle-ci de profiteurs et de traîtres en puissance ne ferait donc qu’augmenter sa propre part du gain. Sans compter l’estime ainsi acquise pour bons et loyaux services envers Sa Majesté.

Au fil de sa chevauchée effrénée, Robert parvint finalement devant les murs de la forteresse, qui le surplombaient d’autrement plus haut que les misérables palissades en pierre de taille encadrant la ville. On pouvait donc raisonnablement espérer une conduite digne de la part du portier de ces lieux. De la même énergie qu’auparavant face à l’entrée principale de la ville, le grand chevalier assena une volée de puissants coups au bois verni du battant, le faisant trembler dans ses gonds. On ne lui répondit pas de suite. Une bonne nouvelle. L’autre incapable aurait été bien marri si Robert s’était avéré être en réalité un assaillant isolé, dépêché pour ouvrir la voie à une armée de plus grande importance. Sa tête de goret souffreteux aurait rebondi à ses pieds avant qu’il n’ait de surprise craché son reste de vin. Un bon garde se doit d’être preste et zélé, mais ne rien céder à la vigilance pour autant. Et les « bons » gardes n’existant pas à l’état naturel, il appartient au châtelain de botter le fessier de ses vilains jusqu’à ce que rentre le métier, par un orifice ou par un autre. La recette valait pour l’écurie comme pour la piétaille : la carotte et le bâton, le pain sec et le fouet.

Le dressage paraissait pointilleusement peaufiné par ici, ou bien les gens y étaient naturellement méfiants. Bien plus que nécessaire, au goût de Robert : ses armoiries auraient dû les informer de son identité, même à travers la meurtrière la plus glauque, et il n’était pas lieu de le faire autant patienter. Son poing ganté de maille redoubla donc d’intensité sur la porte toujours close, tandis qu’il beuglait à ce qu’on lui ouvre, prétextant avoir à entretenir la Dame de céans, et promettant de la trique au paltoquet qui se permettait de lui interdire l’accès. Puis il attendit, baladant ses doigts sur le pommeau de son épée, songeant à quel espèce de gibier il aimerait à saigner le premier. Du bouseux, certainement : cette ville avait grand besoin qu’on y mette bon ordre.

Depuis son entrée à l'Echiquier, Altaïr s'ennuyait. Hormis quelques brèves échanges monosyllabiques avec Cristal, et l'étude d'un ou deux hommes un peu trop avinés l'ayant quelque peu indisposée, rien ne s'était passé. La Reine ne l'ayant pas reçue, elle n'avait pas pu faire montre de sa maîtrise de Bélial... ni même simplement se faire un opinion sur celle qui était censée la diriger.
Alors qu'elle se dirigeait vers l'entrée du château, désireuse de sortir et s'occuper, de grands coups retentirent, lui arrachant un soupir ennuyé. Bien évidemment, c'était quand le garde n'était pas là que quelqu'un venait et réclamait à entrer...

Aprés avoir enclenché le mécanisme d'ouverture de la porte, Altaïr se décala légèrement, observant d'un regard indifférent l'individu en face d'elle tout en caressant les pétales de la rose noire qu'elle tenait à la main. Son visage était comme souvent à découvert, et sa capuche était rejetée en arrière, dévoilant ses traits. De toute manière, être reconnue la laissait de marbre : dans Mär, il n'y avait qu'une seule lignée qui pouvait se targuer d'avoir des cheveux gris de cendre et des yeux d'or naturellement, et c'était la sienne, alors...

Tandis qu'elle réfléchissait calmement, elle nota que le destrier semblait quelque peu s'impatienter. Sans laisser transparaître une quelconque émotion, la jeune fille dégagea complètement le passage, laissant entrer le nouveau venu, avant de retourner, menaçante, vers le garde qui arrivait enfin. Un mince sourire se glissa sur son visage avant de s'effacer tout aussi vite lorsque la porte fut fermée. Elle pouvait dire adieu à sa sortie pour aujourd'hui... Restait à espérer que l'arrivant soit distrayant. Enfin, elle daigna prendre la parole.

_ Suivez-moi... Un écuyer se chargera de votre monture.

Sujet: Re: Place, maraud. Ven 4 Jan 2008 - 15:49

Se hissant des deux mains sur sa selle, messire Begarion s’extirpa des étriers, enjamba sa monture à revers et retomba au sol avec grand bruit. Il se retourna en faisant carillonner son armure, puis tendit la bride du mastodonte piaffant à un écuyer peu rassuré. Il n’avait que peu de confiance envers les palefreniers inconnus, dont la crasse naturelle propre à l’emploi ne l’incitait par ailleurs pas à faire connaissance. Il distilla donc quelques recommandations afin que son bien ne soit pas molesté par un balourd inapte et dispose dans son râtelier d’avoine suffisamment riche. Il glissa ensuite une piécette à l’homme, ce qui aiderait sans doute à faire graver tout le reste en mémoire. Lorsque ce brave écuyer s’en fut allé avec précaution, prenant garde à ne pas brusquer l’animal, Robert revint à la damoiselle en cape noire qui s’était chargée de l’accueillir.

Sans doute pas un banal garde ni même un officier. La tenue ne ressemblait à aucune espèce d’uniforme, et sa coiffure fantaisiste indiquait une absence de soumission à un règlement militaire. Il s’agissait vraisemblablement d’une subordonnée directe de la reine. Affiliée à l’Échiquier et non au château, donc, et manifestement dépêchée pour l’accueillir, puisqu’elle ne lui avait pas réclamé le motif de sa visite et savait d’avance où le conduire. Robert agrafa donc sa cape émeraude à ses épaulières pour lui emboîter le pas en silence. Qu’elle fut pion, agent de renseignement ou intermédiaire quelconque, Robert ne voyait nulle nécessitait de l’informer davantage que ce qu’elle pouvait déjà savoir. C'était avant tout à la Reine qu'il escomptait s'adresser, et moins il mettrait d'intermédiaire entre Sa Majesté et lui, mieux il se porterait. Les chaines hiérarchuiques ne fonctionnaient pas à rebours, toute personne interposée entre sa souveraine aurait donc pouvoir sur lui, et il n'avait aucunement l'intention de s'encombrer de supérieurs.

Sujet: Re: Place, maraud. Sam 26 Jan 2008 - 16:25

[navré du retard, révisions pour le bac blanc ]

Impassible, Altaïr fixa l'homme qui donnait des instructions au palefrenier à n'en plus finir, puis une pièce. A cette vue, elle poussa un soupir intérieur : l'écuyer n'aurait désormais d'autre idée qu'aller boire, ce qui se trouva confirmé par son manque de réaction.
Approchant vivement de lui dans un froissement de tissu, elle passa son ärm sous ses yeux sans un mot, le faisant s'éloigner avec l'animal, avant de se tourner tranquillement vers le nouvel arrivant.

_ La reine est pour l'instant absente. Je vais vous indiquer les appartements des pièces.

Partant aussitôt sans se soucier de savoir si il la suivait, elle le guida à travers les méandres du château jusqu'à une porte qu'elle poussa, dévoilant un appartement vide.

_ Vous pourrez loger ici. Si vous n'avez plus de questions...

Aprés avoir laissé passer quelques secondes, elle se retourna et s'éloigna à nouveau, lentement et dignement. Si il voulait poser une question, qu'il le fasse, elle n'avait tout de même pas besoin de rester plantée devant lui pour cela, non ?

[Pas de mal... A ce propos, ayant remarqué une nette différence entre le détachement sur fond noir de ton avatar et du mien, je me suis demandé : un fond vraiment noir ne serait-il pas plus souhaitable pour obtenir un effet "tête qui sort des ténèbres", histoire de bien se marier avec le fond noir du forum ? Ca donnerait ceci :]
Place, maraud. Altairfaldosho0

Son guide s’en retournait, le déposant devant un huis anonyme qu’il lui faudrait faire sien, et,ultime insulte, l’éconduisant de l’escale par la salle du trône comme un vulgaire ruffian. Robert lui aurait bien assené quelques mots bien saignants sur ce qu’augurait cette attitude irrespectueuse en termes de ses espérances de vie futures, si elle s’était seulement souciée de l’entendre brailler. Or elle tournait déjà à l’angle du couloir. Robert n’affectionnait pas qu’on l’ignorât avec cette superbe orgueilleuse jusqu’au mépris, qu’il s’adjugeait généralement sans la moindre vergogne en présence de serviteurs. Quoique à Ventrefosse les serviteurs le redoutaient, tandis qu’il était en ces lieux un parfait quidam. S’il lui fallait recouvrer cette position supérieure, il en passerait par l’enseignement de la crainte, qui ne peut provenir d’aucune inimitié envers un maître cruel, ni d’une notion trop absconse de « respect » variant du tout au tout selon l’employeur, mais bien de quelque subtile arcane. En vérité, l’avait appris Robert, le sentiment d’effroi ne descend que et seulement que de l’estime : avant d’en venir à frissonner devant le pouvoir d’un homme, il faut reconnaître sur le mode admiratif l’étendue de ses capacités. Tout faible petit rat qui prétend haïr et mépriser son croquemitaine est un hypocrite des plus fieffés, et qui plus est un pleutre.

Robert désirait ardemment gagner l’estime de ses gens, et il devait donc les aborder, leur montrer de quel métal il était fait, quelque répugnance qu’il eût à engager un dialogue avec cette engeance inférieure, à peine digne de s’agenouiller devant leur suzerain, quand encore un quart à peine se montrait à la hauteur de la tâche.

« Gente dame. » Robert avait rattrapé Altaïr au pas de charge.

Il prospectait désespérément une formule point trop balourde pour engager une conversation amène, dont le véritable objectif serait d’épater la galerie. Robert était plus efficace pour ce faire avec une épée, il faut le tenir à son débit. Toujours fut-il qu’après avoir bredouillé quelques prévisions météorologiques de cartomancienne, suite à l’examen fugitif de l’azur moucheté d’une fenêtre à guillotine, il réalisa benoîtement avoir si pertinemment analysé un magnifique trompe l’œil. Et de se détourner de la fresque en changeant de centre d’intérêt le plus tôt possible, il cherchait toujours en vain la voix divine qui le sortirait de cette situation lamentable. Avant l’inspiration, ce fut la lassitude qui battit le heurtoir de sa lourde patte d’ours : en lieu et place de se ridiculiser plus longtemps, autant aborder témérairement un sujet miné. Non qu’il fut des orgueils Begarion de se targuer donner son meilleur au pied du mur, ni l’envie de passer pour un rustre de langage ou un sot, il parla donc avec autant de prudence que se pouvait.

« Donc, techniquement en l’absence de la Reine, qui est assis sur le trône ? »

» Tsah Masaki
» Maximilien
» Tournoi : premier tour, Nathan vs Kerio
» mais pourquoi y a t-il si peu de place dans les titres ? &gt